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SOMMAIRE Bulletin 178 2è tr 2007

Editorial : Commération

Décisions du CA du 6 mars 2007
Nouvelle adhésion. Changement d'adress
Convocation à l'AG du 23 juin 2007
Nos joies, nos peines. Remerciements
Iin memoriam Pierre MONTHUIS
Les repas à Paris. Le Cercle de l'ALAS

Les festivités du Têt et 48è anniversaire
de l'ALAS
    Section Aunis-Saintonge
    Section Marseille-Provence
    Section Nice-Côte d'Azur
    Le Têt à Paris
    Section du Sud-Ouest
    Le Têt à Montpellier
    Section Californie

Sauvegarde du passé
    Suite de la rencontre ALAS-AAVH du 7     novembre 2006.
    Le cher lycée de notre enfance.
    Génération de la fin des années 30, ce monde
   qui fût le nôtre.

    Des souvenirs imprégnés du parfum des     frangipaniers.
    Pourquoi, comment devient-on amoureux du     Lycée Albert Sarraut.
    Les dernières classes.
    Je regrette de n'être pas parmi vous.

Echo du Mémoire de l'ALAS. Hommage à
Pham Duy Khiem

Francophonie

Le message du Trédorier

Un petit chef d'oeuvre de traduction. Epilogue

Les fantomes de Hanoi. Entretien avec
Gérald Gorridge

Mémoire de l''ALAS. Bon de commande

 

 


UN PETIT CHEF D'ŒUVRE DE TRADUCTION

A mes enfants et petits-enfants

La Cigale et la Fourmi 
Fable de Jean de La Fontaine

Traduction de Nguyen van Vinh
Illustration de Manh Quynh

* * * *
Commentaires de Hoàng Truong Thiên

Sceaux, Décembre 2006

 

 

 

 

 

UN PETIT CHEF D'ŒUVRE DE TRADUCTION

 

 

Il y a 70 ans un grand pionnier de la francophonie disparaît : je voudrais parler de Nguyễn Văn Vĩnh (1882-1936), journaliste, écrivain, poète, homme politique, éditeur et surtout traducteur talentueux et infatigable de grands classiques français, de Rabelais à Victor Hugo en passant par Fénelon, Molière, Perrault, A. Dumas père et fils, Balzac, ainsi que Jean de La Fontaine dont il a traduit une cinquantaine de fables choisies.

J'ai le plaisir dans cet article de présenter aux alasiens* la traduction de la première de ces fables, ‘La Cigale et la Fourmi', que nombre d'écoliers vietnamiens pouvaient réciter par cœur, avant même d'apprendre à lire le français.

 

Cet article, c'est sans prétention aucune, mais seulement dans le cadre d'une nouvelle explication de texte qui me rappelle celles laborieusement concoctées pendant les heures de français au bahut, que je le livre à votre lecture, avec toutefois  quelques commentaires qui risqueraient d'irriter certains lecteurs mais aussi, pourquoi pas, d'en faire sourire quelques autres .

 

C'est sans doute pour rendre un hommage appuyé au fabuliste français que  Nguyễn Văn Vĩnh (NVV) avait voulu rester le plus fidèle possible à La Fontaine (LF) dans la traduction de sa première fable. Fidèle dans le fond, ce qui est somme toute normal car c'est le but premier de toute traduction, mais surtout fidélité dans la forme, à savoir les règles de versification utilisées par LF. Cette conformité est respectée  jusque dans les moindres détails, comme si le texte traduit était l'image du texte original dans un miroir. On a d'abord l'impression que le traducteur soigne plus la forme que le fond de l'œuvre. Ce n'est pourtant qu'apparence, car NVV est aussi soucieux que La Fontaine d'anthropomorphoser les insectes de la fable, mais avec des touches personnelles et ceci apparaît dès les premiers mots de la fable.

 

Cette personnalisation s'exprime déjà en français par la mise en majuscules de Cigale et Fourmi, et du côté viêtnamien, Ve et Kiến se débarrassent de l'article con pour devenir aussi des noms propres. NVV a en outre attribué le sexe masculin à Ve (Nắng ráo chú làm gì) et Kiến ne peut être qu'une femme car Ve l'a appelée ‘grande sœur'(Sang chị Kiến hàng xóm). Et pour entériner en quelque sorte cette détermination de sexe des acteurs du drame, le peintre Mạnh Quỳnh, ancien élève de l'Ecole des Beaux-Arts de Hanoi, a joliment illustré la scène dans l'édition 1943 du recueil bilingue.

 

(A propos de cette précieuse édition, je voudrais profiter de l'occasion pour encore une fois, remercier chaleureusement notre amie Roselyne Abeille qui a eu la gentillesse de m'en offrir il y a quelques années une copie de son exemplaire personnel.) 

 

Concevoir Ve en garçon et Kiến en fille est tout à fait naturel puisqu'il existe en viêtnamien l'expression ‘phận con ong cái kiến' pour désigner le sort des petites gens, travailleuses et honnêtes mais dont la position sociale est peu enviable. Dans cette expression, con est l'article masculin et cái l'article féminin. NVV a juste remplacé ong (abeille) par ve et avec l'aide de Mạnh Quỳnh, un nouveau regard est désormais jeté sur le couple d'insectes fabulés ! Car depuis lors, avec La Cigale et la Fourmi  en version viêtnamienne illustrée, des générations de jeunes lecteurs connaissent non seulement le sexe respectif des antagonistes, mais aussi leur âge approximatif ainsi que leur accoutrement. Je ne crois pas que les écoliers de France ont eu cette chance-là !  

 

Soyons plus sérieux. En règle générale, la traduction en vers d'une œuvre poétique n'est pas chose aisée. De ce petit poème du fabuliste français, NVV a réussi à préserver le caractère dramatique de l'action tout en l'agrémentant de couleur locale. Mais l'aspect le plus remarquable de sa traduction, c'est d'avoir voulu rester dans les règles de la versification classique française sans que le texte traduit souffre de manque de concision et de charme poétique.

 

Chez le narrateur LF, il existe toujours une adéquation entre le mot et la chose. Le fabuliste patine son vocabulaire de termes vieillis, retrouve souvent des cocasses expressions de terroir, et le lecteur est contraint de parcourir temps et lieux inconnus, dans un dépaysement constant. Il est sollicité  à son tour de recréer la vérité avec son imagination et ses impressions personnelles. 

 

La Fontaine passe aussi maître dans l'exaltation du rythme et dans le maniement des rimes, d'où un changement fréquent de structure métrique de ses vers et un choix conséquent de ses rimes . Il a fait pourtant, en ce qui concerne la structure,  une exception pour "La Cigale et la Fourmi" où tous les vers ont le même mètre de sept syllabes sauf le deuxième, rejet qui n'en compte que trois :

 

                                   La Cigale ayant chanté       

                                               Tout l'été,  

 

Le poète-traducteur utilise quant à lui le mode pentamétrique et chute aussi harmonieusement au deuxième vers sur trois pieds :

                                              

    Ve sầu kêu ve ve

Suốt mùa hè,

 

Cette similitude  de structure ne quittera plus le texte traduit jusqu'au dernier vers. Remarquons aussi que le choix de NVV pour le mode pentasyllabique n'est pas fortuit. Il résulte du fait qu'en versification viêtnamienne, les structures suivies en vers de 6 ou de 7 pieds sont quasiment inusitées car jugées, entre autres contraintes, harmoniquement  peu compatibles avec la déclamation.(Je ne parle pas ici de la structure fixe 7*8 avec 8 vers à 7 pieds et rime unique, d'origine chinoise - thất ngôn bát cú - et dont la viêtnamisation mérite une longue étude à part).     

Parlons maintenant des rimes. Auparavant, il serait peut-être nécessaire de faire le parallèle entre les rimes féminines et masculines en versification française d'une part, et les sons ‘bằng' et ‘trắc' en phonétique viêtnamienne qui pourraient leur être respectivement associés d'autre part. En français, sont féminines les rimes terminées par un e atone, et masculines toutes les autres. En viêtnamien, sont classés en ton ou rime bằng les mots écrits sans accent phonique ou avec un accent à intonation douce (dấu huyền), et en trắc tous les autres, généralement de fréquence plus élevée. Ainsi, les rimes des vers de 1 à 4 de la fable sont disposées de la façon suivante, avec annotations M pour rime masculine et F pour rime féminine, B pour rime bằng et T pour rime trắc :       

 

  La Cigale ayant chanté     M                                   Ve sầu kêu ve ve        B

  Tout l'été,                                 M                                      Suốt mùa hè,                    B

  Se trouva fort dépourvue        F                                        Đến mùa gió bấc thổi    T

  Quand la bise fut venue         F                                      Nguồn cơn thật bối rối  T

 

On voit que le traducteur a systématiquement inversé chaque rime masculine française en une rime féminine viêtnamienne et vice versa. Cette disposition en rimes suivies et inversées se poursuit jusqu'au vers 14. A partir du vers 15, les rimes sont devenues embrassées jusqu'au vers 22 final :

 

Vers          5                                      14          15                          22

        

Original    M M F F    M M F F    M M      F M M F         M F F M

Traduit      B  B T T    B  B  T T    B B       T B BT            B T T B

 

La méticulosité du traducteur se poursuit encore plus loin, jusqu'à l'intérieur des vers. C'est le cas du vers 20 où Cigale commence à s'énerver :

 

                                                Je chantais, ne vous déplaise!

et où Ve change aussi de ton : 

                                                Tôi hát, thiệt gì bác !

 

Ces deux vers, original et traduit, illustrent une parenté très proche entre la versification française et la versification viêtnamienne. Je vous invite à comparer les dispositions des rimes dans les vers suivants :

 

                        (1)       O temps perdu, ô peines dépendues !

                                                                                               (L. Labé) 

                 

(2)                                                              . .. au mois de mai, la rose                 

            Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur

           Quand l'aube de ses pleurs au point du jour l'arrose .(..)

           Mais battue ou de pluie, ou d'excessive ardeur

                                    Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose

                                                                                                              (Ronsard)

 

La forme (1), appelée vers léonin, comporte une rime entre deux hémistiches et la forme (2), rime batelée (entre fin de vers et fin de césure), sont souvent utilisées par les poètes  pour rendre le vers plus chantant. Mais les adages bien connus suivants, qui ne sont pas à proprement parler des vers :

 

                                   Qui vole un oeuf vole un boeuf     

                                     Qui va à la chasse perd sa place  

 

ressemblent beaucoup, avec leurs assonances, à la forme des rimes dorsales (vần lưng) très commune en poésie viêtnamienne et à laquelle NVV a eu recours pour faire répliquer son Ve dans ‘Tôi hát, thiệt gì bác'. Voici encore quelques exemples de rimes dorsales dans les expressions populaires :  

 

 

 

                                    Cái kiến mày kiện củ khoai…    

                                    Khéo ăn thì no, khéo co thì ấm    

                                    Tây lai ăn khoai cả vỏ…      

                                  

En poétique viêtnamienne, les deux formes de structures classiques les plus répandues sont construites sur les cycles 6–8 (lục bát) et 7-7-6-8 (song thất lục bát) avec rimes caudales et dorsales combinées :

                             

6                Trăm năm trong cõi người ta                                     (rime caudale)         

8                Chữ tài chữ mệnh khéo ghét nhau                        (dorsale + caudale)

                  Trải qua một cuộc bể dâu                                (caudale, du cycle 6-8 suivant)   

                                        (Kiều)

                      

7                Thuở trời đất nổi cơn gió bụi                                     (caudale)

7                Khách má hồng nhiều nỗi truân chuyên                  (dorsale+caudale)

6                Xanh kia thăm thẳm từng trên                                    (caudale)

8                Vì ai xây dựng cho nên nỗi này !                    (dorsale + caudale du cycle suivant)

                                               (Chinh Phụ Ngâm)   

                                                                         

Les deux exemples précédents sont les premiers vers de deux longs poèmes classiques du 18è siècle. La place des rimes dorsales ou caudales y est normale, mais souvent les rimes dorsales sont redondantes et riment entre elles  pour donner plus de rythme au vers, comme dans cet autre exemple :

 

                        Bác Dương ôi, thế thôi rồi

                       Nước mây man mác ngậm ngùi lòng ta  

                                                                       (Nguyễn Khuyến)

 

Il est peut-être utile de préciser que les deux structures 6-8 et 7-7-6-8 précédentes ainsi que la position de leurs rimes sont spécifiquement viêtnamiennes, en ce sens qu'elles ont existé depuis des siècles et qu'on n'y retrouve aucune influence étrangère. Toutes les fables traduites par NVV à l'exception de La Cigale et la Fourmi sont présentées sous l'une et/ou l'autre de ces deux formes traditionnelles. 

 

Après ces quelques divagations, on pourrait se demander si le texte traduit, avec les multiples contraintes que s'est donné NVV, n'est pas qualitativement à la hauteur du texte français. Oui,je réponds sans hésitation, mais auparavant il me faudra encore divaguer un peu.

 

On sait que la langue viêtnamienne s'est formée et s'est fortifìée autour de deux piliers principaux : ses racines populaires d'une part et le sino-viêtnamien  hán-việt (langue hán viêtnamisée) d'autre part, dans les proportions respectives d'environ 35% et de 60%. Les 5% restants sont puisés dans d'autres langues d'origines diverses dont le français avec son intégration souvent pittoresque mais sans problème. Néanmoins, les mots français viêtnamisés font encore une timide incursion dans le langage poétique. 

 

Dans le parler populaire et ce que j'appelle le vocabulaire domestique, la part autochtone est restée prépondérante jusqu'à occuper 100% des mots. En revanche, dans tous les autres domaines, éducatif, littéraire, administratif, diplomatique.., le hán-việt est absolument indispensable et souvent majoritaire en proportion. Mais sa façon de s'intégrer   en se viêtnamisant dans le langage national est si naturelle que plus personne ne s'en rend compte ! Paradoxalement, la fable traduite par NVV ne rentre pas dans cette catégorie : on n'y trouve aucun mot hán-việt, car tout y est en langage populaire. C'est comme si La Fontaine, chose impensable, avait écrit toute sa fable sans l'aide de mots d'origine grecque et latine! Et c'est là le tour de force du traducteur qui a tenu à préserver à la narration d'un conte son essence populaire jusque dans le vocabulaire utilisé.

 

La performance de Nguyễn Văn Vĩnh pourtant ne s'arrête pas là. Elle est aussi, pour parler le langage du 21ème siècle, numérique! Je me suis amusé à compter le nombre de mots existant dans la fable: même nombre de 108 pour le texte original comme pour le texte traduit. Mais en nombre total de syllabes, il y a un important déséquilibre. Côté LF, ce nombre est de 7*21 + 3 (2è vers)= 150. Côté NVV, il n'est plus que de 5*21 + 3 = 108, c'est-à-dire une économie appréciable de 42 syllabes en passant d'une langue à l'autre. Sans altérer la beauté et la concision des vers originaux. Je crois même que NVV, dans sa traduction, leur a apporté une certaine valeur ajoutée non négligeable de par sa connaissance approfondie du français et du viêtnamien.

 

Pour ne pas aller trop loin dans mes élucubrations, je me limite à  décortiquer seulement le premier vers de la traduction :

 

Ve sầu kêu ve ve  

 

Le premier ve est une onomatopée devenue nom et ve ve en fin de vers est aussi une onomatopée mais joue le rôle grammatical d'adverbe. Qui d'entre nous, à l'approche de la saison des examens, ne se souvient du chant long, très long mais mélodieux et modulé des cigales hanoïennes qui nous convie au farniente comme une berçeuse ?

 

Ce chant ne ressemble en aucune façon au cri strident et monotone des cigalas provençales qui fatigue à la longue les oreilles des joueurs de pétanque! NVV qui connaît le sud de la France pour y avoir séjourné au temps où Marcel Pagnol était encore en culottes courtes, a sans doute fait cette comparaison entre cigales de Hanoï et cigales de Provence. Je remarque que ce premier vers de la fable traduite est composé uniquement de sons bằng qui permettent l'accent tonique sur les deux derniers pieds ve ve. S'il avait traduit "ayant chanté" par hát qui est un son trắc, comme l'aurait fait par réflexe tout autre traducteur, il aurait déplacé l'accent au milieu du vers, ce qui n'est pas souhaitable phoniquement pour la lecture, ni évocateur du chant modulé de la cigale. De plus, il aurait commis un pléonasme (ve ve n'évoque-t-il pas déjà un chant?), tandis que kêu s'annonce comme un appel (kêu gọi) aux beaux jours de l'été.

 

Mais pourquoi "ve sầu", littéralement "cigale triste" ? Parce que l'âme viêtnamienne depuis toujours est dominée par la tristesse et la nostalgie, sentiments qui résultent des siècles de guerres incessantes, qu'elles aient été intestines, défensives ou expansives. Le chant mélodieux mais entraînant des cigales est perçu dans ces circonstances par l'inconscient de tout un peuple comme une triste litanie sans fin, d'où l'épithète sầu accolée naturellement à ve pour former un seul nom bisyllabique ‘ve sầu'.

 

Comme pour La Fontaine, c'est à ce souci constant de coller adéquatement le mot à la chose que Nguyễn Văn Vĩnh doit la réussite de presque toutes ses fables traduites. Je convie donc nos camarades alasiens à lire ou à relire ce recueil exceptionnel de fables pour y retrouver non seulement leurs joies de potaches, mais aussi l'âge aidant, pour comprendre et apprécier en profondeur les finesses d'un lettré doublé d'un amoureux de la langue française, véritable génie surgi à la croisée de deux cultures.

 

Enfin, il y a encore un point que je voudrais soulever : pourquoi  LF ne tire pas de sa fable une moralité ? La réponse est simple : le fabuliste sait pertinemment que la morale est quelque chose de mal défini. Elle n'est pas universelle mais varie avec les religions, les gens et les époques. C'est à chaque lecteur de trouver celle qui lui convienne. Pour ma part, j'estime que par les temps qui courent, la lecture d'une telle fable pourrait être une source d'allégories plus ou moins réalistes. Voici donc la mienne, que je me propose, avec témérité, de vous présenter comme épilogue à cette histoire.

 

 

EPILOGUE

 

                                   La Cigale n'ayant pu chanter

                                   Ni danser,

                                   A quitté Fourmi sa voisine,

                                   Ventre creux et mine chagrine.

                                   Où peut-elle s'en aller

                                   Pour manger et pour chanter ?

                                   Mais bien sûr, en Amérique   

                                   Car c'est un pays magnifique

                                   Là où l'on peut et danser et chanter

                                   De jour comme de nuit, sans peur de faim crever.                         

                                   Ainsi, portant sa belle voix et sa guitare

                                   La Cigale s'en va, car elle en avait marre !

                                    De la vie, la précarité

                                   Et du temps, la morosité.

 

                                   Bien des années après, riche et célèbre

                                   Elle revient au pays, encor dans les ténèbres.

                                   Reçue par son ex-voisine

                                   Elle lui dit, d'une voix qu'on devine

                                   Sans chaleur,

                                   Mais d'où ne perce aucune aigreur :

 

                                   - C'est grâce à toi, Fourmi, que ma vie a changé

                                   Même sans le vouloir, sois-en remerciée.

 

- Ravie de te revoir, Cigale, et de t'entendre.

Si vraiment tu veux me remercier

Tu n'auras qu'à bien m'apprendre

A chanter et à danser !

 

                                                                        Hoang Truong Thiên