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SOMMAIRE Bulletin 178 2è tr 2007

Editorial : Commération

Décisions du CA du 6 mars 2007
Nouvelle adhésion. Changement d'adress
Convocation à l'AG du 23 juin 2007
Nos joies, nos peines. Remerciements
Iin memoriam Pierre MONTHUIS
Les repas à Paris. Le Cercle de l'ALAS

Les festivités du Têt et 48è anniversaire
de l'ALAS
    Section Aunis-Saintonge
    Section Marseille-Provence
    Section Nice-Côte d'Azur
    Le Têt à Paris
    Section du Sud-Ouest
    Le Têt à Montpellier
    Section Californie

Sauvegarde du passé
    Suite de la rencontre ALAS-AAVH du 7     novembre 2006.
    Le cher lycée de notre enfance.
    Génération de la fin des années 30, ce monde
   qui fût le nôtre.

    Des souvenirs imprégnés du parfum des     frangipaniers.
    Pourquoi, comment devient-on amoureux du     Lycée Albert Sarraut.
    Les dernières classes.
    Je regrette de n'être pas parmi vous.

Echo du Mémoire de l'ALAS. Hommage à
Pham Duy Khiem

Francophonie

Le message du Trédorier

Un petit chef d'oeuvre de traduction. Epilogue

Les fantomes de Hanoi. Entretien avec
Gérald Gorridge

Mémoire de l''ALAS. Bon de commande

 

LES DERNIERES CLASSES

 

1954…Accords de Genève… Faut-il quitter Hanoi ? Ou y rester ? Où aller ?

Des discussions dans toutes les familles, atmosphère d'une situation incertaine, des inquiétudes, des soucis enveloppent l'air chaud de cet été .Autour du Lac Halais, le marché aux puces se tenait tous les jours, des meubles, des bibelots, mille petits objets bien conservés auparavant précieusement dans les intérieurs, s'étalaient le long des trottoirs, sans vie, sans soulever aucune convoitise. Les gens essayaient de récupérer tant bien que mal avant le départ pour un horizon peu connu.

Et nous, enfants insouciants, baignés dans cette ambiance de torpeur, sentions aussi la gravité du moment. Cela ne nous empêchait pas de nous poser la question : «  A la rentrée prochaine, dans quelle école irons-nous? » Plusieurs écoles devaient fermer à la rentrée prochaine, y compris le petit lycée Rolland. Pour les gens qui avaient choisi de partir plus tard ou simplement de rester (Il était stipulé dans les accords de Genève qu'après deux ans de séparation entre le Nord et le Sud, il y aurait un référendum prononçant l'unification du pays et le choix d'un gouvernement…) la scolarité des enfants tant primaire que secondaire devait se poursuivre normalement au Lycée Albert Sarraut pour ceux qui avaient suivi l'enseignement français.

A l'automne 54, moi-même et mes sœurs nous reprîmes le chemin de l'école en allant au Lycée Albert Sarraut, la cadette en classe de douzième, et nous les grandes sœurs en classe de septième et de sixième. Mes frères étaient encore trop petits pour aller à l'école. L'entrée des élèves se faisait toujours par la rue Destenay pour piétons et pour cyclistes. Les petites classes primaires étaient groupées dans les bâtiments de la première cour. Les classes secondaires se situaient de l'autre côté de la tonnelle. Quant aux bâtiments de l'internat si mes souvenirs sont exacts, ils servaient de logements de fonction aux professeurs français. Les cours étaient tous dispensés en langue française comme avant 1954 : Français, mathématiques, histoire et géographie, sciences naturelles…

Dans la ville les automobiles se faisaient plus rares qu'auparavant. Les élèves arrivaient presque tous à pied ou à vélo. Les bicyclettes se rangeaient dans le préau. C'était un grand plaisir de pouvoir aller à l'école à vélo comme les grands, et de rentrer avec les camarades en passant devant le Lac de l'Epée. En hiver le vent glacial de décembre engourdissait nos doigts sur le guidon. Quel bonheur de pédaler contre le vent et de se raconter les pires plaisanteries faîtes en classe, et la punition récoltée après. Des promenades inoubliables dans le Jardin Botanique autour des étangs aux lotus, ou des parties de cache-cache derrière les arbres à branches enchevêtrées et tordues par le vent, que dire des soirées au Lac de l'Ouest (Ho Tay) !

1954 : les accords signés à Genève le 21 juillet partagent provisoirement le Vietnam en deux zones, de part et d'autre du 17 ème parallèle, jusqu'à l'organisation d'élections générales qui décideraient du sort du pays. A Hanoi de nombreuses festivités sont organisées avec l'installation du nouveau gouvernement. Il y eut notamment une grande représentation artistique assurée par les grands lycées de Hanoi et divers groupements au grand Théâtre de Hanoi. Le Lycée Albert Sarraut présentait sa chorale composée des élèves des grandes classes. Les petites classes offraient des spectacles de danses folkloriques avec des habits des peuplades des montagnes. La danse des bambous était impressionnante car il fallait sauter entre les grosses tiges de bambou que les gens, l'un saisissant deux bambous par une extrémité, l'autre assis en face séparé par la longueur des tiges, tenant les deux mêmes bambous par l'autre extrémité, tous les deux les faisaient claquer en rythme. Plusieurs autres paires de bambous tenues par d'autres couples claquaient dans le même tempo. Que de rythme et de bruit ! Gare aux chevilles si les danseurs ne sautaient pas en mesure et n'enlevaient pas leurs pieds juste au moment précis qui précédait le claquement sonore des grosses tiges frappées ensemble.

Après les festivités, les études reprenaient et il fallait bien travailler en vue des « compositions trimestrielles » et examens de passage en classe supérieure.

Un peu avant la fermeture définitive du port de Haiphong (six mois après l'investiture de Hanoi), nos parents avaient pris la décision définitive de quitter définitivement Hanoi. Il fallut bien des péripéties périlleuses pour tromper la vigilance des gardes frontières pour que toute notre petite famille puisse arriver à bon port.

Cinquante ans après, les lieux de mon enfance se sont bien transformés. Des sentiments de regrets se mélangent à la nostalgie. Le Lycée Albert Sarraut se tient toujours là, fièrement, et reste un très bel édifice. Il rappelle à ceux qui sont passés sous son portail et ceux qui y sont que c'était un lieu de culture qui a produit de grands hommes et femmes de talent et de qualité qui se sont dispersés sur divers continents et qui ont transmis aux générations suivantes leur savoir. 

Lan Phuong