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BULLETIN 185
2è tr. 2009

Sommaire

Le mot du Président

Décisions du CA 05/03/09 - Nouveaux adhérents - Changements d'adresses - Nos joies-Nos peines. Agenda

Assemblée Générale du 28 mars 2009

Les festivités du TÊT KY SUU (2009) et les 50 printemps de l'ALAS :
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Les Oiseaux

Dossier : L'Hôpital GRALL de Saigon, miroir de l'histoire (suite)

Retrouvailles

Notes de lecture
  
 - Le dialogue interrompu : Auguste       Morere, un destin d'exception
   - Les Hévéas ou la saignée à mort
   - Rivière des Parfums
   - Addenda : "Félix Dioque     (1880- 1948), un colonial ...."

Expositions
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   - Musée des Arts de l'Asie : "Six      siècles de peintures chmoise"
   - Soie d'Ailleurs

Le courrier des lecteurs

Bon de commande : Mémoire et Annuaire de l'ALAS

Relevé des cotisations. Message du Trésorier


Dossier  

L'HÔPITAL GRALL de SAÏGON

MIROIR DE l'HISTOIRE

(2 ème partie : SA RENAISSANCE)

 

Au cours de l'été 1989, l 'association "Vietnamitié" organise un voyage pour nouer, ou renouer, des relations médicales entre la France et le Viêt Nam. C'est dans ce cadre que le Médecin Général Inspecteur Louis José Courbil, ancien chirurgien-chef de l'Hôpital Grall (1970-1973), retrouve ce pays et cet hôpital auxquels il est très attaché. Il découvre une situation sanitaire particulièrement catastrophique dont il décrit les causes dans la préface de la Thèse d'Antoine Bouchard, consacrée à l'Hôpital Grall de Saïgon et à sa mutation en hôpital pédiatrique n°2 d'Hô Chi Minh Ville :

 

"Quarante cinq années de guerre, un exode massif des populations rurales vers les grandes villes, une démographie galopante. Pour y faire face un personnel santé très insuffisant en nombre et en qualité par le manque de vocations (profession dévalorisée) et la fuite des cerveaux, un budget de la santé inadapté (0,6 % du P.N.B.), un marché de produits pharmaceutiques particulièrement perturbé. En milieu rural exerçaient des médecins auxiliaires de formation accélérée (3 ans d'études) relevant directement des comités populaires, leurs moyens étaient précaires, leur motivation sommaire…

Nous découvrions également un pays aussi peuplé que le nôtre mais avec un million de veuves, un million d'orphelins, 400.000 mutilés, environ 300.000 toxicomanes et 500.000 prostituées.

La santé publique d'Hô Chi Minh Ville était sous la responsabilité du Dr Duong Quang Trung, doyen du Centre universitaire de formation des professions médicales (organisme mi-public, mi-privé). Médecin formé en France, parfaitement francophone et réellement francophile, il avait su ménager les médecins issus de la Révolution , à qui furent confiées les directions administratives des hôpitaux et les médecins de l'ancien régime, "correctement rééduqués" politiquement, qui assurèrent la véritable activité scientifique de ces hôpitaux, au nombre de 34. Il fut pour nous un interlocuteur privilégié, incontournable et efficace. Les deux hôpitaux pédiatriques de la ville étaient submergés par les enfants présentant des paludismes pernicieux, des fièvres hémorragiques de la malnutrition et des maladies infectieuses (rougeole, tétanos, poliomyélite, diphtérie, coqueluche) que n'avaient pu prévenir des vaccinations irréalisables en temps de guerre. En 1986, on citait (officiellement) le chiffre de 64,5 % de mortalité infantile. On manquait cruellement de personnels qualifiés, de matériel, de médicaments, et l'infrastructure à Grall en particulier, était dans un état déplorable."

Au regard de cette situation et après l'accueil qui lui est réservé par la direction de cet hôpital (devenu l'hôpital pédiatrique n°2), le Médecin Général Inspecteur Courbil décide de s'engager pour obtenir la mise en œuvre de sa restauration dans laquelle le Service de Santé des Armées va jouer un rôle déterminant.

On a vu dans la première partie de ce dossier l'espoir du Docteur Duong Quynh Hoa d'obtenir une aide de la France pour "l'ex-hôpital Grall qui gardait toujours l'empreinte française".

Fin 1989, Bernard Kouchner, alors Secrétaire d'Etat chargé de l'action humanitaire, se rend en mission à Saïgon. Il retrouve avec beaucoup d'émotion ce vieil hôpital où avec "Médecins Sans Frontières" il avait vécu les journées tragiques d'avril 1975. Si "Grall" occupe toujours une place importante dans la structure hospitalière du Viêt Nam, il est dans un état de dégradation profonde. Ses bâtiments n'ont pas été entretenus depuis 1976 (date de sa rétrocession aux autorités vietnamiennes). On rencontre dans les jardins moutons et volailles en liberté. Ses équipements sont vétustes. Si rien n'est fait, il risque de devoir être abandonné. Le Dr Duong Quynh Hoa sut convaincre Bernard Kouchner de choisir "Grall" comme site du lancement de la coopération médicale franco-vietnamienne en cours de gestation. Lors d'une nouvelle visite officielle de ce dernier, il est convenu avec les autorités vietnamiennes que la réhabilitation de "Grall" est une priorité. Décision confirmée par la commission mixte franco-vietnamienne lors de sa réunion des 24 et 25 février 1990 à Hanoï. Le "Projet Grall" est né.

Le 23 octobre 1990, Bernard Kouchner signe avec le Dr Duong Quang Trung un premier protocole d'accord qui sera suivi, le 10 février 1993, par un deuxième protocole signé par Roland Dumas, Ministre des Affaires Etrangères, et Nguyen Trong Nhan, Ministre de la Santé de la République Socialiste du Viêt Nam. Ces deux protocoles officialisent "la réhabilitation de l'hôpital pédiatrique n°2 à Hô Chi Minh Ville, dit hôpital "Grall", qui comprendra des travaux sur les bâtiments et les réseaux, ainsi que l'amélioration de l'équipement médical et chirurgical de l'hôpital. Cette réhabilitation sera complétée par un programme de formation destinée au personnel médical de l'Hôpital."

Sont contactés successivement :

-"Architectes sans Frontières" pour la restauration des bâtiments ;
- le Professeur F. de Paillerets qui avec le concours de l'Assistance Publique des hôpitaux de Paris (A.P.-H.P.) va élaborer un programme original de "formation-sélection" spécifique aux pédiatres d'Hô Chi Minh Ville n°2 complété par un volet formation infirmière ;
- le Médecin Général Inspecteur Courbil pour assurer la présidence du Comité de pilotage du projet, qu'il accepte avec enthousiasme. Ses compétences et son charisme en feront l'élément moteur de cette formidable entreprise (1).

S'il est difficile d'en citer, sans en omettre, les multiples acteurs tant gouvernementaux que non gouvernementaux qui se sont consacrés à ce projet et ont su le mener à bien, il convient de souligner l'apport décisif de la dynamique Association des Anciens et des Amis de l'Hôpital Grall (A.A.A.H.G.) Née officiellement le 5 mai 1990 de par la volonté de nombreux médecins et infirmières de participer à la rénovation de l'Hôpital où ils avaient servi avant 1975. Cette association a pour objet :

"- d'encourager toute activité humanitaire, morale et scientifique en vue de perpétuer l'esprit attaché à l'œuvre accomplie par tous ceux et celles qui ont servi à l'Hôpital Grall de 1860 à 1975 ;

- de contribuer, dans le cadre de la francophonie, au maintien et au développement d'échanges culturels et techniques, par des activités de recherche, d'évaluation scientifique ou de formation médicale."

Cette association a en particulier à son actif la proposition aux autorités françaises et vietnamiennes de nommer le Dr Germain, ancien Chef de Service de pédiatrie de "Grall", coordonnateur sur le terrain à titre strictement bénévole. Avec un statut d'O.N.G., il assurera la coordination des travaux et surtout la première formation des jeunes pédiatres vietnamiens. Cette proposition reçoit un accord total des autorités, en particulier celui de l'Ambassadeur de France. Le premier décembre 1990, le Dr Germain s'installe à Grall avec son épouse dans des conditions rustiques, pour un séjour de six mois. C'est à cette époque que débute réellement la réalisation du "Projet Grall"

En février 1991, 8 premiers candidats formés par le Dr Germain et les missions d'enseignement de l'A.P.-H.P. sont sélectionnés pour un stage enFrance. Le début de la rénovation du bloc opératoire et du service de réanimation, l'annonce d'un don de Rhône-Poulenc de un million de francs de médicaments, tout cela réjouit vivement la direction de l'hôpital.

L'A.A.A.H.G. prend aussi l'initiative d'organiser, en étroite relation avec les directions du Service de Santé d'Hô Chi Minh Ville et de l'Hôpital, les "Premiers entretiens médicaux de Grall" (6 et 7 décembre 1991). 200 participants dont une centaine venus de France (universitaires et personnalités du Service de Santé des Armées). A cette occasion, la direction de l'hôpital fait remettre sur le fronton de son entrée le nom de Grall. Un fronton où désormais on peut lire cette inscription : "Bênh Viên Nhi Dông 2 Grall". La stèle honorant Calmette et Yersin, érigée en 1963, est remise en état. Symboles ô combien forts !... Un des buts de ces entretiens était de faire connaître le "Projet Grall" au milieu médical d'Hô Chi Minh Ville. Ils permirent l'expression du rajeunissement de la formation, de son activité scientifique ainsi que de son attachement à la communauté médicale francophone.

Le résultat fut à la hauteur de cette formidable mobilisation. Le bilan du projet "Grall" qui s'est poursuivi jusqu'en 1995 est impressionnant. En voici les grandes lignes :

  • l'hôpital Grall a été restauré avec le souci de préserver ce témoin unique de l'architecture coloniale française. Il faut souligner l'excellente qualité des travaux.
  • le programme de formation a remporté un franc succès. L'accueil de jeunes médecins vietnamiens pendant un an dans les hôpitaux français a débuté en 1990 avec l'arrivée des 30 premiers faisant fonction d'interne. Les cours dispensés en français à Grall ont constitué une incitation qui dépassa le cadre du programme : des médecins et des infirmières ont pris l'initiative de demander à suivre des cours de français. Ce programme a été accompagné d'une aide à la formation paramédicale par un volet formation infirmière tout à fait remarquable.
  • le centre d'épuration extra-rénale au sein du service d'uro-néphrologie de Grall, réalisé avec le Professeur J. Conte de l'hôpital Purpan à Toulouse, a été inauguré en novembre 1994.
  • Grâce à l'Association des Anciens et des Amis de Grall, un partenariat avec l'Université de Marseille et le Centre de Transfusion Sanguine de Marseille a été mis en place pour la création d'une "Banque du Sang". Malgré un équipement, une formation et un suivi bien mené, son existence aura été malheureusement de courte durée, mais elle a permis de développer le secteur de la sérologie.
  • Le Médecin Général Jean Graveline a été le promoteur, en sa qualité d'administrateur de l'Organisation pour la Prévention de la Cécité (O.P.C.), de la modernisation du service d'ophtalmologie de Nhi Dông 2 Grall. Ce service est devenu notamment un service de référence pour la chirurgie oculaire du nourrisson.

C'est ainsi que l'hôpital pédiatrique Nhi Dông 2 Grall de l'an 2000 pouvait prendre en charge les enfants de la naissance à l'âge de 15 ans au sein de ses 16 services cliniques. Il regroupait toutes les spécialités médicales et chirurgicales, hormis la neuro-chirurgie et la chirurgie cardiaque. Pour assurer une telle activité répondant aux besoins d'Hô Chi Minh Ville et des provinces éloignées (jusqu'à plus de 200 Km ), il comptait : 150 médecins (incluant les pharmaciens et les dentistes), 240 infirmières et techniciens de laboratoire, 90 agents administratifs et de maintenance.

Les auteurs du "Projet Grall" voulaient en faire l'élément primordial de la reprise de la coopération médicale entre la France et le Viêt Nam. Le Dr Chabaud qui accompagnait le Médecin Général Inspecteur Courbil en 1989, lors du voyage organisé par l'association "Vietnamitié", montera un centre de chirurgie de la lèpre. Plus tard, une convention sera signée à Hanoï entre les Services de Santé des Armées des deux pays. Des médecins militaires vietnamiens seront reçus en stage à l'Ecole d'application du Pharo et des agrégés de l'hôpital Laveran viendront à Nhi Dông 2 Grall…

Chacun sait au Viêt Nam ce que la médecine doit au Service de Santé des Armées qui fut, de tous les services publics français en Indochine, un des premiers présents (1870) et le dernier parti (1975). L'hôpital Grall en demeure le symbole chargé d'un passé prestigieux. Sa renaissance en fait le symbole d'une coopération médicale ouvrant une nouvelle page d'histoire, une Histoire dont il est le miroir.

 




Note : L'avis du Dr Duong Quynh Hoa sera souvent sollicité par les uns et par les autres. Son accueil des officiers français aura été d'emblée chaleureux. Elle entretiendra des rapports privilégiés avec le Médecin Général Inspecteur Courbil et le Dr Germain.

Ce dossier a été réalisé à partir de larges extraits de la Thèse d'Antoine Bouchard, présentée le 26 novembre 1999 à la Faculté de Médecine de Lyon Grange-Blanche.

LB