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SOMMAIRE Bulletin 180

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FONTENAY, 22 JUILLET 2007, UNE BELLE FÊTE

DOSSIER: L'ART DES TISSERANDS ET DES BRODEURS VIETNAMIENS

A TRAVERS LES RIZIERES

ALASIE TERRE DE POESIE

LES DIX ANS DU CLUB DES TRADUCTEURS DE POESIE DE HANOÏ

LE MOT DU TRESORIER

NOTES DE LECTURE

ALASWEB : Le palmarès du Lycée Albert Sarraut 1953-1954

VOUS AVEZ DIT : MEMBRE TITULAIRE A VIE ?

BON DE COMMANDE DU MEMOIRE

VOS CORRESPONDANTS

L'ART DES TISSERANDS ET BRODEURS VIETNAMIENS

 

 

Aborder l'histoire de l'artisanat au Viêtnam à travers celle de deux métiers dans lesquels les vietnamiens ont donné la mesure de leur talent, telle a été l'idée de départ de ce dossier. Nous nous sommes demandés quand et comment étaient apparues les premières techniques et pourquoi le paysan vietnamien a été, de tout temps, un paysan artisan.

Il y a des millénaires, avant la création du Van Lang, premier royaume vietnamien, lorsque la population, ne se contentant plus de vivre de chasse et de pêche, se mit à cultiver le riz et les tubercules, elle utilisa sa force physique et son intelligence. De ses mains, elle commença à tresser le bambou pour construire des cabanes, à façonner l'argile, à fondre le bronze, à utiliser les fibres des végétaux pour se vêtir autrement qu'avec des peaux de bêtes. Puis vinrent les savoir-faire, la dextérité, le talent, si poétiquement évoqués par NGUYEN KHAC VIEN (1) dans un texte sur l'artisanat :            

 "Hoa tay, la main-fleur, la fleur-main
  La main de la danseuse se déployant en corolle,
  La main du potier qui donne forme et vie à l'argile,
  La main du sculpteur qui anime le bois et la pierre,
  La main qui brode fleurs et dragons sur le brocart "…

Lorsque des commerçants occidentaux ouvrirent au XVIIème  siècle leurs premiers comptoirs à Thang-Long - Ké Cho, ils furent frappés par la qualité de la production artisanale de la capitale et retinrent ce proverbe vietnamien : "Mains adroites, métiers exercés ; Terre de coutumes, capitale." C'était là, en effet, que convergeaient tous les talents. En particulier, tisserands et brodeurs, héritiers de techniques dont l'invention remontait à des temps très anciens. Leurs ancêtres avaient été les précurseurs de la culture et du tissage du coton avant le VIIème  siècle et avaient emprunté aux Chinois, entre le XVIème et le XVIIème  siècle l'élevage du ver à soie, le dévidage des cocons, le tissage de la soie et la broderie.

 

TISSERANDS D'AUTREFOIS 

 

       

Le premier textile produit a été le coton, dont la culture et le tissage sont nés au Viêtnam puis ont été introduits en Chine, vers 679, par Hoang Tao P'o, une chinoise pour le moins avisée!

Les tisserands égrenaient le coton brut au moyen d'un double cylindre. Ils démêlaient ensuite les fibres avec une harpe,  puis les débitaient à l'aide d'un fuseau de bambou et d'un rouet. Le tissage était réalisé sur un métier en bois. La pièce obtenue était teinte en noir, rouge ou  en bleu indigo à partir de colorants d'origine végétale.

En ce qui concerne la soie, la légende attribue à Leizu, impératrice de Chine et épouse de l'empereur Huang Di (règne supposé : 2674 à 2575 av. J.-C.), l'invention de la sériciculture et l'art du tissage de la soie, ainsi que l'invention de la broderie. Elle transmit ces techniques à la population de son royaume, peu étendu mais fertile en mûriers et propice à l'élevage des vers à soie. 

A chaque printemps (lors des fêtes du "Renouveau"), tandis que l'empereur, protecteur de l'agriculture, accomplissait lui-même le rite de l'ouverture d'un sillon, l'impératrice déposait sur un autel une offrande de feuilles de mûrier. Elle honorait ainsi les génies favorisant  la sériciculture et le développement de l'art du textile, sources de prospérité pour le royaume. A eux deux, ils symbolisaient les deux piliers de l'économie chinoise des temps anciens.

Alors qu'à partir du royaume de Huang Di l'empire chinois s'étend progressivement, les ¾ de ses villages élèvent des vers à soie à l'intérieur de leurs maisons. Ils font désormais partie de la famille et représentent l'activité principale des femmes, aidées de leurs filles. Devenus la source de leur bien-être matériel, les éleveurs chinois les appellent "Petits trésors". Peu à peu, les chinois atteignent un niveau de virtuosité technique tel que, durant de nombreux siècles, les Occidentaux admireront ces fameuses soieries en provenance de la Chine mystérieuse. La soie, grège ou travaillée, devient une production de masse dont la qualité permettra, pendant plus de mille ans, d'en faire le principal  produit d'exportation de la Chine. Elle eût parfois dans ses entrepôts d'Etat des millions de pièces de soie !...A sa valeur marchande, s'ajoute sa valeur symbolique. Les présents de tissus précieux entre souverains étaient une preuve de richesse et de puissance. C'est ainsi que les empereurs chinois en firent un usage politique vis-à-vis de leurs voisins et du Monde.

Ils veillèrent avec habileté sur ce "capital". S'ils remettaient aux ambassadeurs étrangers des rouleaux de brocart, il était formellement interdit de transporter à l'étranger aussi bien cocons ou œufs de ver à soie que graines de mûrier. Le secret de la fabrication du fil de soie était gardé avec un soin jaloux.

Malgré ces interdits, l'ambassadeur vietnamien Phùng Khắc Khoan (XVIe -XVIIème siècle) rapporta de Chine la technique du tissage de la soie. Ses différentes étapes étaient les suivantes (2) :

"Débourrage des cocons à l'eau chaude ;
Dévidage par étirement des cocons en faisceaux (20 pour un fil) ;
Enroulement sur un tambour pour former un écheveau ;
Enroulement de l'écheveau pour former une bobine ;
Préparation du fil de tresse ;
Enroulement des fils sur les montures des navettes ;
Les fils passaient ensuite sur une petite machine à dévider,
puis sur un métier à tisser en bois, ne comportant pas un renvoi automatique des navettes."

 

 

Puis venait le travail des teinturiers. Ils avaient adopté les cinq couleurs dominantes utilisées en Chine depuis des millénaires : le jaune, le bleu, le rouge, le blanc et le noir. Toutes ces teintures provenaient de produits naturels (3).

Les tisserands du village de Vạn Phúc, près de Hà Đông, firent la réputation de la région en raison de la beauté des soies naturelles qu'ils produisaient. Un dicton en célèbre la variété :

     " Gaze de Lã, satin de Bưởi,
        Pongé de Phùng
        Soies à motifs tissés de Vạn Phúc,
        Crêpe de Mô."

Ce village vénère encore aujourd'hui sa fondatrice et Génie tutélaire, Mme La Thi Nga.

Comme les autres artisans les tisserands avaient leur corporation et menaient leur activité artisanale parallèlement à l'agriculture. Ils étaient liés à leur village spécialisé dans cette activité et les bénéfices réalisés revenaient à la famille entière. On ne sait si la Cour impériale a joué un rôle de mécène, de protecteur, comme cela a été le cas en Europe, à la Renaissance par exemple, mais elle a toujours engagé les meilleurs artisans pour les manufactures de l'Etat. Reste à connaître la nature des contrats qui les liaient ? Sans doute étaient-ils collectifs.

Jusqu'au XIVème  siècle, ces manufactures ont pu satisfaire les besoins en Soie et brocarts de la Cité Impériale. Mais ses résidents devenant de plus en plus nombreux, on fit appel aux artisans de l'extérieur. Une opportunité que saisit la corporation des tisserands. Leur nombre augmenta rapidement. Ils vendaient leur production à des marchands ruraux, lesquels la revendaient ensuite, à leur tour, à Thang Long. Les artisans de Yên Thâc, par exemple, confiaient leurs pièces d'étoffe aux marchands de la rue de la Soie.

Plus tard, des communautés rurales, venant parfois de loin, gagnèrent la capitale et juxtaposèrent leurs villages au nord du lac Hoàn Kiếm. Ce phénomène explique comment s'est structuré le quartier "des 36 rues et corporations" (ville extra-muros, complémentaire de la Citadelle), qui concentre les activités commerciales et artisanales de la ville marchande.

Au cours de cette période, un certain nombre de tisserands motivés par l'essor de la capitale vinrent s'installer dans les "phuong" regroupant les membres de leur corporation et des artisans originaires de leurs villages. Ils y retrouvèrent aussi des planteurs de mûriers, des éleveurs de vers à soie. C'est ainsi que les quartiers de la rive occidentale du lac de l'Ouest devinrent peu à peu célèbres pour le tissage de la soie ordinaire, de la soie noire et des brocarts. Parallèlement, le métier de teinturier se développa aussi dans l'intra-muros, rue Hàng Đào.

 

La rue du coton (Hàng Bông), la rue de la Soie teinte en rose (Hàng Đào), la rue du Chanvre (Hàng Gai), la rue des Etoffes (Hàng Vải) témoignent de l'importance prise par les tisserands au cœur de la Cité marchande. Notons, au passage, que le commerce avec les marchands occidentaux n'a réellement compté que pour les producteurs de Soie du lac de l'Ouest, et cela entre 1650 et 1700.

Malgré leurs mesures protectrices, les Empereurs de Chine ne purent, in fine, empêcher la vulgarisation de l'art du tissage de la Soie et de la Broderie, notamment au Viêtnam.

 


BRODEURS  D'AUTREFOIS

Dans la première moitié du XVIème siècle, sous le règne de l'empereur Lê Chiếu Tôn (1518-1523),  l'ambassadeur Lê Công Hành fut envoyé en mission en Chine, dans la province deKouang Toung où il séjourna durant quelques années. C'est ainsi qu'il découvrit et admira les broderies des vêtements de Cour, des parasols, des panneaux muraux exécutées par les artisans de cette province. Ayant réussi à les observer en plein travail, il put percer leurs secrets. De retour dans son pays, il fit un rapport détaillé au Roi qui lui ordonna de regagner son village, situé dans la province de Hà Đông pour transmettre ces précieux secrets aux villageois. Lê Công Hanh commença à enseigner aux femmes et aux hommes de Thuong Phuc la technique des brodeurs chinois. Ensuite, il apprit aux habitants du village voisin, Hien luong, les procédés de fabrication des parasols. Au départ les artisans vietnamiens ont adopté et reproduit de nombreux motifs chinois mais, comme toujours, en conservant leur personnalité.

Les tissus employés étaient : la soie satinée locale ou la soie chinoise, le crêpe de soie, la flanelle de couleur… L'étoffe était fixée sur un cadre de bambou. Les brodeurs appliquaient sur l'étoffe la feuille de papier (très mince) où ils avaient dessiné les motifs à  reproduire. Pour ce faire, ils utilisaient du fil de soie floche, du fil de coton entouré de papier doré, des cordonnets et des fils dorés très fins.

En maîtrisant cette nouvelle technique, certains villages en firent leur spécialité. Puis la broderie apparut dans la Cité marchande, dans deux rues qui devinrent par la suite la "Rue des Brodeurs" et la "Rue des fabricants de parasols". Quant à Lê Công Hânh, il fut proclamé patron-protecteur de ces nouveaux artisans. Les villages de Thuong Phuc et Hien Luong érigèrent un temple à sa mémoire, dans l'actuelle rue de Yên Thài où se trouvait jadis le marché de la broderie.

Il convient de distinguer les ateliers travaillant pour la classe possédante sinisée et les ateliers domestiques utilisant généralement des tissus de coton, parfois la  soie. Mais, pour tous, la Chine demeurait la référence culturelle.

A cette époque, en effet, la broderie vietnamienne, tout comme la broderie chinoise, remplissait une fonction sociale. L'utilisation de tel ou tel motif avait une signification symbolique très importante dans l'ornementation des vêtements et des parasols… destinés à l'empereur, aux dignitaires, aux nobles et aux puissants. Les oiseaux, par exemple, indiquaient le rang du dignitaire. Les animaux surnaturels ( dragon, licorne, tortue et phénix) étaient très souvent reproduits, de même que les cinq bonheurs (richesse, longévité, santé, tranquillité, bonne mort) représentés par des chauve-souris roses, symboles de joie, apparaissant la plupart du temps en groupe de cinq.

Durant des siècles, les brodeurs vietnamiens n'ont pu que recopier les motifs sacrés chinois, inspirés du Taoïsme, pour les drapeaux et bannières, les rideaux d'autels, les sentences parallèles, les panneaux muraux décorant des édifices religieux ou publics. Leur talent ne fut pas responsable de cet état de fait. Il faut en rechercher les causes ailleurs.

La Cour impériale, comme dans d'autres domaines, accapara les meilleurs artisans et décréta détenir, seule, le droit à l'innovation. Dès lors, les jeunes ne cherchèrent pas d'autres sources d'inspiration ou procédés par crainte d'enfreindre la loi, mais aussi par peur d'être repérés par la Cour et d'y être retenus à tout jamais.

De leur côté, les amateurs de cet art en devenir évitèrent de posséder des broderies en grand nombre. Ils redoutaient les confiscations d'objets précieux, fréquemment opérées par une autorité administrative très rigide.

Ainsi, génération après génération, se transmirent les motifs et les couleurs importés de Chine avec leurs symboles. Il a fallu attendre la fin du XIXème siècle et le début du XXème pour que commence une ère nouvelle.

 

UNE  ERE  NOUVELLE 

C

'est dans le domaine de la  broderie, et de la broderie sur soie en particulier, que l'on peut juger de l'impact de la présence française sur l'artisanat vietnamien. L'apparition d'une nouvelle clientèle et de nombreuses commandes poussèrent les brodeurs à renouveler leur métier, en étudiant de nouveaux points, de nouveaux procédés (français et japonais notamment) ainsi qu'à créer de nouveaux dessins. Leur production gagna la sphère privée : linge de table, draps, panneaux décoratifs, coussins, rideaux, portières, lingerie féminine, robes du soir, kimonos…

De nouveaux ateliers se créèrent. La fabrication du brocart fut relancée de même que celle du broché, réservé jadis aux hamacs des mandarins. Le fil "Kiem tien" utilisé pour broder les sentences parallèles, les parasols de cérémonie ou les cadeaux de prix ne fut plus importé de Chine, mais fabriqué désormais dans la province de Hà Đông, province où fleurit le renouveau.

Avant la guerre de 1914-1918, une française, Mme Autigeon, y ouvrit deux écoles de dentellerie, dans les villages de Ha Hoï et de Cau do. En 1939, à Hanoï, fut fondée l'Association des Fabricants de Broderie et de dentelles. Les brodeurs et tisserands se réunissaient au "Centre artisanal de Hadong", dont le but était l'entr'aide et la fixation des cours pour le marché de la soie et des tissus brodés qui se tenait, deux fois par semaine, à Hà Đông.

Les tisserands ont connu, eux aussi, une ère nouvelle, mais plus tardivement. Si des usines de textiles et des manufactures ont été créées à partir de 1890, l'industrialisation des textiles du nord au sud, n'a été pleinement opérée qu'au début de la seconde guerre mondiale, quand l'Indochine a dû faire face, seule, à ses besoins. La population était, au plan vestimentaire, tributaire de l'industrie cotonnière. Avant 1940, l'Indochine importait normalement la totalité de la laine qu'elle consommait, et 20 à 22 000 tonnes de  coton, sous toutes formes. Avec l'isolement créé par la guerre, il a fallu faire avec les moyens du bord.

Au nord, l'extension d'une activité artisanale, déjà ancienne, et son adaptation avec l'utilisation de succédanés susceptibles de remplacer les matières premières importées jusqu'alors, aboutiront à des réalisations remarquables. Au Centre, il y avait, entre autres, les célèbres cotonnières de Nam Định. Mais au  Sud, la population était plus tentée par l'agriculture que par l'artisanat ou la petite industrie. Les cultures textiles avaient été peu à peu abandonnées. En 1930, il n'y avait qu'une quinzaine d'hectares de cotonniers dans la région de Dât do et environ 100 hectares de mûriers dans les provinces de Bến Tre, de Châu Đốc et de Long Xuyên.

Pour stabiliser et améliorer la sériciculture, des stations spécialisées furent créées par l'administration. Elles distribuèrent gratuitement des pontes de vers à soie sélectionnées et des boutures de mûriers. En 1931, l'administration se préoccupa de restaurer et de développer le tissage artisanal. Elle confia à un ingénieur vietnamien, diplômé de l'Ecole de Tissage de Mulhouse, le soin d'améliorer et de perfectionner les conditions de travail des tisserands locaux. Un atelier école fut adjoint à la station séricicole de Saïgon. Puis, des cours de tissage furent dispensés à Batri, Cho Moi et à Tan Chau. En même temps, les pouvoirs publics entreprirent une sensibilisation à l'artisanat auprès des jeunes, peu tentés par les filières techniques. Les premiers ateliers scolaires de préapprentissage eurent un remarquable essor. Les formations de Gia Định et de Phu Lâm (Cholon) devinrent réputées. Phu Lâm fut transformé en entreprise à caractère commercial réalisant un chiffre d'affaires important.

Après la filature et le tissage de la soie, les cours de tissage se préoccupèrent du coton et de fibres de remplacement. C'est ainsi que l'atelier-école de Gia Định produisit des tissus mixtes à chaîne de coton : coton-ramie, coton-agave, coton-ananas, tissage des lanières blanches de feuilles de latanier.

En 1943, le Centre artisanal des Etablissements Dumarest d'Indochine, dénommé " Centre artisanal Phuc Am" ouvrit ses portes avec un personnel d'encadrement expérimenté, venu du Nord. Les apprentis étaient rémunérés dès la première semaine. Leur travail était coupé de pauses et de lectures récréatives. Le soir, un cours pratique de quốc-ngữ était dispensé aux illettrés.

Hélas, les évènements de 1945 et les deux guerres d'Indochine stoppèrent le bond en avant considérable réalisé par les tisserands et les brodeurs vietnamiens;

 

QUAND DES ARTISANS DEVIENNENT DE VERITABLES ARTISTES 

En 1976, année du début de la reconstruction et de la relance de l'économie du Viêt Nam, un gros effort a été porté en direction des articles de première nécessité, dont les textiles. En 1989, les textiles représentaient la part la plus importante de la production industrielle. Fruit d'une longue tradition et disposant d'une main-d'œuvre qualifiée, cette industrie a redémarré en se spécialisant dans deux directions : le tissage d'étoffes de toutes catégories et le tricotage. Hanoï comptait, en 1992, 17 usines textiles d'Etat. A côté de ces grandes usines, on trouve de petites usines et unités locales, héritières d'un patrimoine que les pouvoirs publics entendent valoriser. C'est ainsi qu'aujourd'hui, par exemple, le village de Van Phuc, célèbre jadis pour ses soieries et tombé dans l'oubli, est en train de renaître. Il offre à ses visiteurs la richesse de ses tissus traditionnels et modernes (brocarts, shantungs, taffetas) ainsi que la beauté des soies naturelles de Hà Đông.

A côté de machines modernes, les vieux métiers à tisser continuent de marcher pour fournir surtout des soieries traditionnelles, très en vogue dans les maisons de haute couture. Elles se taillent chaque jour une part de marché plus importante, avec les productions de Nam Đinh et de Bao Lôc.

Tout comme les tisserands, les brodeurs ont vu leur métier à nouveau valorisé. Des coopératives de broderie réputées sont en pleine activité à Hanoï et dans les districts environnants, tels que Dong Anh. Pour autant, ce métier s'est généralisé dans de nombreuses rues et villages, où beaucoup de familles l'exercent. On compte plus de dix mille brodeurs dans la région de Hanoï ! Un certain nombre d'entre eux particulièrement talentueux ont réussi à faire de leur métier un art véritable. De brodeurs ils deviennent peintres, dans les paysages, les tableaux et les portraits qu'ils réalisent. Pour ces œuvres admirables, ils peuvent travailler à l'aiguille avec près de soixante fils de différentes couleurs.

Dans ce dossier, nous ne ferons que citer, par manque de place, la richesse des tissages et des broderies des cinquante-trois ethnies minoritaires du Viêtnam. Costumes bigarrés aux couleurs éclatantes confectionnés par des femmes aux doigts de fée. La beauté de leur travail rejoint celle évoquée au début de ce dossier :

 

"La main qui brode fleurs et dragons"  

Nous ajouterons :

est devenue celle d'artistes réenchantant le passé 

                                                                                                          L.B.

Bibliographie :

-"Connaissance du Viêt-Nam" par Pierre Huard et Maurice Durand

- Revue "Indochine", n° de juin 1954

-"Le Courrier du Vietnam", numéro du 13.I.2002

Notes :

(1) NGUYEN KHAC VIEN, traducteur et essayiste de renom qui a contribué à faire connaître les  différents aspects de la littérature et de la civilisation vietnamiennes - Décédé en 1997

(2) "CONNAISSANCE DU VIÊT-NAM" (1ère édition), chapitre XIII, "Les artisans"

(3) Le jaune était la couleur réservée aux vêtements de l'empereur.