Document sans nom

Philippe Claudel est né en 1962. Il est notamment l'auteur des "Ames grises", du "Rapport de Brodeck" qui a remporté le Prix Goncourt des Lycéens 2007. Ses livres sont traduits dans près de trente langues.

"C'est un vieil homme debout à l'arrière d'un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est le seul désormais à savoir qu'il s'appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui..

Debout à la poupe du bateau, il voit s'éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l'enfant dort. Le pays s'éloigne, devient infiniment petit, et Monsieur Linh le regarde disparaître à l'horizon, pendant des heures, malgré le vent qui souffle et le chahute comme une marionnette.

"Le voyage dure longtemps. Des jours et des jours…"

C'est ainsi que Philippe Claudel commence son récit, terriblement émouvant et absolument passionnant.

La guerre ravage le pays de Monsieur Linh. Ses enfants sont morts. Ils ont été fauchés par une bombe alors qu'ils travaillaient dans les rizières. En les découvrant Monsieur Linh a pris leur petite fille Sang dû (Matin doux), et est parti. Il a décidé de partir à jamais. Pour l'enfant.

Le bateau qui le rattachait à sa terre natale accoste dans un pays où il fait froid. Il a beaucoup de mal à le quitter. Que va devenir ce campagnard échoué dans une ville immense, une ville dans un pays dont il ignore totalement la langue, ses us et coutumes ? Dans le récit de son odyssée apparaissent les thèmes chers à Philippe Claudel : l'abandon, la mémoire, le regard sur l'autre, l'amitié. Ici, l'amitié entre deux hommes très dissemblables et ne parlant pas la même langue, Monsieur Linh et Monsieur Bark, est d'une intensité poignante.

Ce très beau petit livre plein de suspenses est magnifiquement écrit. Refermé, il entraîne le lecteur à se souvenir d'une période où nombreux furent ceux qui durent quitter brutalement leur pays, le Viêt Nam, à tout jamais.

L.B .

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