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BULLETIN 187
1er tr. 2010

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Francophonie

Adieu Annamite, Bonjour Vietnamien

Le 9 Mars 1945, 65 ans dejà ...

Evolution de la mode au Vietnam

NOTES DE LECTURE
- Passport pour le Tonkin
- Stèle colonial - Vietnam
-A la découverte des villages de métiers au Vietnam

Message du Trésorier - ALASWEB

Bon de commande : Mémoire et Annuaire de l'ALAS

 


ADIEU ANNAMITE, BONJOUR VIETNAMIEN 

Plusieurs amis « Français de souche » (des septuagénaires comme moi !) m’ont posé cette question : « Pourquoi nos parents disaient Annamites au lieu de Vietnamiens pour désigner les habitants du Vietnam ? ».
Alors, pour eux j’écris cette note.
La dénomination d’An Nam (le Sud Pacifié) avait été attribuée au pays pour la première fois, semble-t-il, dès 264 après J.C. par les occupants chinois qui donnèrent au gouverneur du pays le titre de An Nam Tướng Quân ou Maréchal d’An Nam(1). Les Tang utilisaient le même nom en 622 pour désigner leur An Nam đô họ phủ ou Protectorat de l’An Nam(2). La cour de Chine des Song avait reconnu le « Royaume d’An Nam » au XIIe siècle(3), et les Ming reprirent ce nom en 1431 pour reconnaître le fondateur de la dynastie des Lê postérieurs, Lê Lợi, comme administrateur du pays d’An Nam (An Nam quốc sự) et prince du pays d’An Nam (An Nam quốc-vương)(4),(5).
Quand les Européens arrivèrent au Vietnam au XVIIe siècle, le pays s’appelait Đại Việt (le  Grand Việt), et ce jusqu’en 1802, année où il reçut le nom actuel Việt Nam avec l’avènement de l’empereur Gia Long, le fondateur de la dynastie des Nguyễn(6). Cependant, les Européens, tout comme les missionnaires jésuites venus de Macao, continuaient de l’appeler le royaume d’Annam jusqu’en 1945, d’où le nom de ses habitants et de sa langue : Annamite. Les reproductions ci-jointes de quelques dictionnaires attestent de cette dénomination :
À noter que, sur les dictionnaires de Georges Cordier, parmi les caractères chinois 越法字彙 (Việt Pháp tự vị, Dictionnaire Việt-Français ) et 法越字彙 (Pháp Việt tự vị, Dictionnaire Français-Việt), signifie Việt et non pas Annam ou annamite.

Cependant, le Père Alexandre de Rhodes remarqua que, au XVIIe siècle déjà, les habitants du Đại Việt disaient eux-mêmes qu’ils étaient de l’An Nam(7). Par la suite, les intellectuels vietnamiens utilisaient aussi le terme annamite dans leurs ouvrages,  comme Trương Vĩnh Ký (1837 - 1898) dans Grand Dictionnaire Annamite-Français, Abrégé de grammaire annamite, Cours de langue annamite, Cours de littérature annamite. De même, dans la collection complète du Bulletin des Amis du Vieux Huế, de 1914 à 1944, le mot annamite apparaît 7 361 fois dans 104 articles (sur 540) alors que le mot vietnamien n’y figure pas(8). Cette appellation ne manquait pas d’irriter l’érudit historien et homme politique Trần Trọng Kim (1883-1953) qui, dès 1918, exhorta ses compatriotes à appeler leur pays par Việt Nam et à abandonner l’habitude de le désigner par An Nam, car cette dernière dénomination sous-entend la soumission à la Chine(9).
Ce ne fut qu’au 2 septembre 1945 que le pays reprit le nom donné par l’empereur Gia Long avec la proclamation de la République démocratique du Việt Nam par Hồ Chí Minh. Et le 6 mars 1946, un accord fut signé entre ce dernier et Jean Sainteny, par lequel la France reconnut la République du Việt Nam(10). Ainsi, à partir de cette date, les termes Vietnam et vietnamien allaient fleurir dans les articles et les ouvrages, dont j’aimerais rappeler celui des regrettés Professeurs Pierre Huard et Maurice Durand (1954) :

À Saint Avé, le 27 décembre 2009

Nguyễn Tấn Hưng
http://terrelointaine.over-blog.fr/

 
     
 

 

(1) Léopold Cadière, ‘‘Notes, discussions, renseignements’’, Bulletin des Amis du Vieux Huê, N° 4, t. I, p. 348.

(2) Đại Việt sử ký toàn thư (Mémoires historiques au complet du Đại Việt) (ci-après : Toàn thư) (orig. 1697), version en quốc ngữ par Ngô Đức Thọ, Hoàng Văn Lâu, Hà văn Tấn, Ngô Thế Long, Nguyễn Khánh Toàn et Phan Huy Lê, Hanoi, Nhà Xuất Bản Khoa Học Xẵ Hội, 1998, t. I, p. 189

(3) Le « Royaume d’An Nam » ne fut officiellement reconnu au roi Lý Anh Tông par la Chine qu’en 1164 ; auparavant, les rois viêtnamiens ne recevaient des Chinois que le titre de Giao chỉ quận vương ou Prince de l’Arrondissement du Jiaozhi (Lê Tắc, An Nam chí lược [Abrégé d’histoire et de géographie d’An Nam ] [orig. 1335], version en quốc ngữ de l’Université de Huê, 1961, document disponible sur le site Internet www.viethoc.org, p. 5) .

(4)Toàn thư, t. II, pp. 303-304.

(5) Cette compilation est extraite de Nguyễn Tấn Hưng, Un tableau socio-culturel du Viêt Nam du XVIIe siècle à travers le Dictionarium Annamiticum, Lusitanum, et Latinum (1651) d’Alexandre de Rhodes, S.J. (1593-1660) et d’autres écrits de missionnaires contemporains, Mémoire de l’École Pratique des Hautes Études, Paris, 2004. Ce travail va être publié aux Éditions les Indes Savantes, Paris, sous le titre Le Viêtnam du XVIIe siècle.

(6) Le nom Đại Việt fut donné au pays par le roi Lý Thánh Tông en 1054 ; il avait eu deux éclipses : de 1400 à 1407, les « usurpateurs » Hồ l’appelaient Đại Ngu, et, de 1407 à 1428, les occupants chinois Ming réemployaient l’ancien nom Jiaozhi ou Giao Chỉ ; Lê Lợi rétablit le Đại Việt en 1428 ; (Trần Trọng Kim, Việt Nam sử lược [Précis de l’histoire du Vietnam] [orig. 1918], Saigon, Bộ Giáo Dục, Trung Tâm Học Liệu Xuất Bản, t. I, 1971, pp. 99, 189, 200, 248, et t. II, 1971, p. 169).

(7)Xưng mềnh là An Nam (Dictionarium Annamiticum, Lusitanum, et Latinum, op. cit., colonne 898).

(8)Bulletin des Amis du Vieux Huế, Édition intégrale, CD-Rom de l’École Française d’Extrême-Orient de Hanoi, par Võ Duy Đôn, Nguyễn Hồng Trân, Philippe Papin, Philippe Le Failler (Éditeurs).

(9) Trần Trọng Kim, Việt Nam sử lược [Précis de l’histoire du Vietnam] [orig. 1918], op. cit, Vol., p. 4.

(10) Nguyễn Thế Anh, Bibliographie critique sur les relations entre le Viet-Nam et l’Occident, Paris, G.-P. Maisonneuve & Larose, 1967, p. 283.