La leçon de français

« Lycées français à l'étranger : d'anciens élèves se souviennent »

(Actes Sud, janvier 2005, 14,25€ à la FNAC)

 

J'ai lu ce livre avec grand intérêt. Aucun ancien de l'ex-Indochine ne s'y exprime, puisque ce n'était pas encore « l'étranger ». Mais la quarantaine de témoignages rapportés (tous d'anciens élèves alors étrangers, entre 1930 et 1970) pourrait fort bien, me semble-t-il, trouver la même tonalité dans « nos » lycées.

Le lycée français représentait souvent, dans leur pays, ce qui se faisait de mieux en matière éducative ; mais cette motivation n'était pas la seule. Beaucoup y ont apprécié l'ambiance qui a tant marqué leur adolescence : ouverture, largeur d'esprit, liberté – a fortiori, lorsque la pensée de leur pays était verrouillée par un régime autoritaire, ou par de trop rigides traditions. Ils trouvaient au lycée français un îlot de tolérance, où l'on apprenait le respect de l'autre et la richesse des différences, où l'on découvrait aussi la mixité et la laïcité, où l'on s'ouvrait à l'universel. Presque tous soulignent l'influence qu'a pu exercer sur eux tel ou tel professeur, nommément désigné.

Ce recueil n'encense pas le système éducatif français, loin de là. En même temps que la rigueur du raisonnement, les élèves ont su acquérir aussi l'esprit critique, et ne se privent pas de l'exercer. Plusieurs reprochent à la France d'alors une certaine immodestie, trop facilement oublieuse de leur culture d'origine ( « Nos ancêtres les Gaulois… » !). D'autres remarquent que «  pôle d'excellence, le lycée français pouvait prendre des allures de ghetto doré, capable de vous isoler du reste de la société ».Et si, par la suite, plusieurs d'entre eux ont combattu la France, c'est au nom des idéaux de la Révolution Française, appris au lycée français !

Pourtant, souligne Nadine Vasseur dans la présentation de l'ouvrage, la principale critique est ailleurs : ces anciens élèves reprochent à la France d'avoir abandonné la cause du français dans le monde. « Il n'y a que nous, les Egyptiens, les Libanais, les Suisses, les Belges, les Québécois, qui nous en soucions vraiment », dit l'un d'entre eux. Certes, notent les représentants de l'enseignement français dans leur post-face, les choses ont évolué depuis cette époque. Mais c'est bien aujourd'hui que ces reproches sont formulés !Les anciens de ces lycées, très conscients de la place prise par l'anglais dans la plupart de leurs pays, entendent garder avec la langue française une relation affective, une sorte d'intimité. Ils la parlent à la perfection, ils connaissent fort bien sa littérature. Un ancien élève, aujourd'hui chargé de hautes responsabilités politiques au Liban, avance :"Il ne s'agit pas de prétendre le supplanter (l'anglais) mais de redonner sa place au français, en tant que langue et comme référence culturelle.. La plupart des jeunes Libanais, confrontés à cette situation, ont trouvé la solution : ils ont opté pour le trilinguisme."

J'ai bien aimé cette conclusion.

Jean WERQUIN