Solidarités alasiennesAlasweb fev. 2006 En 1964, alors responsable de l'Institut de recherches du coton et des textiles exotiques (IRCT), je suis amené à m'intéresser au coton sans gossypol. Cette plante, cultivée d'abord pour sa fibre, fournit en tonnages appréciables une excellente huile de table et une farine riche en protéines. Or celle-ci contient un pigment, le gossypol, toxique pour les humains, mais non pour les ruminants et la volaille. Quel dommage de vouer à l'alimentation du bétail une farine qui serait bien utile aux pays intertropicaux, dont justement la culture cotonnière assure une bonne part des revenus! On peut extraire ce gossypol par voie chimique: en Amérique centrale, des biscuits protéinés ont ainsi été distribués aux écoliers. On peut aussi sélectionner, par des croisements appropriés, des variétés sans gossypol (ou glandless ): quelques-unes ont été mises au point aux Etats-Unis. Encore faut-il tester l'inocuité, la valeur alimentaire et l'acceptabilité de leurs farines. Il se trouve qu'à l'IRCT le chef de la division de technologie n'est autre que notre président fondateur, BUI XUAN NHUAN. Et il se trouve qu'à Dakar un autre Alasien, Jacques TOURY, dirige l'Organisme de recherches sur l'alimentation et la nutrition en Afrique, l'ORANA. C'est donc « tout naturellement » que BXN demande à JT s'il pourrait procéder aux essais utiles, et quel en serait le devis : les réponses sont positives. Pendant que les généticiens de l'IRCT préparent des quantités suffisantes de graines sans gossypol, je demande à un ami associatif de me procurer la somme voulue. Comme il se trouve au comité directeur d'un organisme humanitaire, la réponse est encore positive, et les essais ont lieu à Dakar, d'abord sur des rats (car leurs besoins en acides aminés essentiels respectent la même hiérarchie que chez l'enfant), puis sur des enfants atteints de dénutrition ( kwashiorkor ), en mélange avec du lait ou d'autres farines. Une communication de Jacques TOURY montre que les résultats sont souvent supérieurs à ceux du régime témoin. Depuis lors, plusieurs équipes de recherches en Afrique Noire, en France et en Grande Bretagne améliorent les variétés, dont la fibre est désormais compétitive en qualité et en productivité, et approfondissent les essais nutritionnels, tous prometteurs. La revue «Coton et Fibres tropicales», en 1991, relate toutes ces avancées, que plusieurs pays industrialisés ont déjà mises à profit, et conclut: «La parole est maintenant aux décideurs, politiques, organismes de développement et industriels». Hélas, l'Afrique noire y reste désespérément étrangère. Il ne devait pas y avoir beaucoup d'Alasiens parmi ces décideurs…
Jean WERQUIN
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