UN DEVOIR DE MEMOIRE

 

Nous n'oublierons jamais cette nuit tragique du 9 mars 1945 où les troupes japonaises attaquèrent par surprise les garnisons franco-indochinoises. Dans les casernes, les citadelles, les forts, les fortins, les combats au corps à corps durèrent toute la nuit, certains jusqu'au 12 mars. Nous n'oublierons jamais ceux qui poursuivirent le combat au sein des maquis, ceux qui furent torturés par la Kampetaï, ceux qui eurent à affronter « les camps de la mort lente », ceux qui effectuèrent la longue marche vers la Chine…

Alors qu'ils avaient participé à la victoire finale (1), la France ne leur a rendu justice que 35 ans après, lorsqu'en mars 1980 notamment, M. PLANTIER, Secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants, déclara au nom du Gouvernement :

«  En mars 1945, la France n'avait guère d'yeux que pour ses héros ceux des F.F.L., ceux de la Résistance, de Rhin et Danube, de la 2° D.B., ceux aussi de Normandie-Niemen. Peu de Français se souciaient alors de l'autre combat, pourtant si âpre et si dur, qui opposait nos alliés aux Japonais. Peu de Français se souciaient alors des Français d'Indochine, mais il est une certitude, les Français d'Indochine ne se sont pas inclinés et ont su faire preuve du même courage, de la même abnégation que tous leurs compatriotes » (2).

L'ALAS a toujours honoré le souvenir des Anciens élèves du Lycée Albert Sarraut tués au combat, tout particulièrement dans le « Mémorial » réalisé grâce aux recherches et au travail de Jacques LAPIERRE et de Pierre MONTHUIS, publié dans les numéros 95, 96 et 99 de son Bulletin (3). A la veille du 9 Mars 2005, le souvenir étant l'âme de la fidélité, la « Commission du Bulletin » a décidé de le publier à nouveau. Les témoignages qui y sont rassemblés sont très émouvants. Ils constituent aussi une contribution à l'Histoire de l'Indochine. Les combattants héroïques du 9 mars 1945 sont si peu présents dans les nombreux livres sur la guerre d'Indochine !

 

Mémorial des guerres en Indochine Fréjus (Var)

 

Soixante ans après, ayons une pensée toute particulière pour nos camarades :

Georges BASSOU (1922-1945)

«  Mon frère Georges effectuait en 1945 son service militaire à TONG.

Dans la nuit du 9 mars 1945, son unité fit mouvement vers l'Ouest avec le Groupement Alessandri. Par la suite, il se porta volontaire pour revenir dans le delta, avec le commando Baudelaire, mener des opérations de guérilla.

Les péripéties de ces activités l'amenèrent dans la région de NINH-BINH, où il fut recueilli à bout de force par un Père trappiste. Conduit à l'hôpital de NINH-BINH, il y meurt d'épuisement le 10 mai 1945 ».

(Témoignage de sa sœur, Odette BASSOU – Mme BENAUSSE)

Pierre BEAUCLAIR (1918-1945)

Garde principal de la Garde Indochinoise, commissaire de police à BAC CAN

« En service à BAC CAN, mon frère faisait partie d'un groupe de 12 volontaires devant rallier à TUYEN-QUANG le Groupement de la Rivière Claire. Ce groupe tenta de rejoindre son affectation dans la seconde quinzaine de mars 1945. Par crainte des représailles, mon frère emmenait son épouse et sa fille âgée de 3 ans et demi.

Par la suite, le groupe se scinda en deux éléments : l'un, avec les familles, chercha à gagner directement la Chine ; le second, avec mon frère, remonta vers le BA-BÊ pour tenter de regrouper les sections de la Garde.

Le 9 avril 1945, son élément tomba à PAC-NAM, dans une embuscade tendue par des chinois pro-japonais stationnés à TINH-TUC. Mon frère et trois de ses camarades furent tués au cours de l'action.

Quant au premier élément, tous les renseignements recueillis les donnent massacrés sur la frontière. »

(Témoignage de Mme Marcelle BEAUCLAIR, sœur de notre camarade, d'après un rapport de l'Inspecteur de la Garde Indochinoise de la Province de BAC CAN).

Pierre CALARD (1922-1945)

Maréchal des Logis au 4 e Régiment d'Artillerie Coloniale à LANG-SON

« Effectuant son service militaire, notre ami Pierre CALARD avait été affecté dans une batterie du 4 e R.A.C. à LANG-SON. Sa position, ainsi que l'ensemble du camp retranché, fut submergée par l'assaut japonais du 9 mars 1945. Notre camarade fut massacré par les Japonais à l'issue des combats ».

(Témoignage de son frère Jean CALARD)

Jacques COGNET ( -1945)

Soldat au Détachement mobile d'aviation de BACH MAI,

« Dans les jours précédant l'attaque japonaise, sa section avait été mise à la disposition du détachement mobile de la base de TONG, constituant un apport de 2 camions et de 6 mitrailleuses Lewis d'aviation .

Posté en arrière-garde, pour couvrir le passage du bac de HUNG-HOA sur la Rivière Noire, son détachement participa dans la journée du 10 Mars 1945 à des actions contre des convois japonais. Vers 12h00 notamment, 6 camions sur les 7 d'un convoi furent incendiés ou immobilisés et une centaine de Japonais mis hors de combat.

Les Japonais réagirent par de violents tirs de mortier et d'artillerie et le détachement reçut l'ordre de se replier. Jacques fut tué au cours de cet engagement .»

(Témoignage du Docteur Jean COGNET, son frère, à partir d'un extrait du Journal de marche du Détachement mobile d'aviation de BACH-MAI).

Henri PERIGNON (1921-1945)

Maréchal des Logis au 4è Régiment d'Artillerie Coloniale

« Notre frère, qui effectuait à cette époque son service militaire au 4 e R.A.C. était stationné avec son unité de D.C.A. à XUAN-TAO (Pont du Papier). Lors de l'attaque japonaise dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, chef d'une équipe de lanceurs de grenades, il participa avec un courage et un sang-froid remarquables à la défense des positions de sa batterie. Fait prisonnier à l'issue des combats, il est abattu d'une balle dans la tête par un sous-officier japonais.

Cité pour ces faits, il s'est vu conférer à titre posthume la Médaille militaire ».
(Témoignage d'Odette PERIGNON (Mme PETIT) et de Maurice PERIGNON, ses sœur et frère).

Albert RENUCCI (1921-1943 )

Matelot radio à bord du BERYL

« Notre camarade RENUCCI effectuait en 1943 son service dans la Marine Nationale et était embarqué comme matelot radio à bord du « BERYL ». La Marine Nationale assurait à cette époque, entre autres missions, l'accompagnement et la protection des navires marchands qui effectuaient les ravitaillements vitaux des diverses régions de l'Indochine. Lors d'une de ces missions, le 27 novembre 1943, au large des Côtes d'Annam, le « BERYL » fut torpillé par un sous-marin et disparut avec tout son équipage.

Pour ces faits notre ami a été cité à l'ordre du Corps d'Armée et s'est vu conférer la Médaille Militaire à titre posthume ».

(Témoignage de Solange RENUCCI, sa sœur, et extraits d'un article de la revue « Indochine » du 13.7.1944).

René WEIDMANN (1920-1945)

Sous-Inspecteur de la Garde Indochinoise, Chef du poste de PAK HINBOUN (Laos)

« Mon mari faisait partie du réseau de résistance d'Edmond GRETHEN, Inspecteur en chef de la Garde Indochinoise. Lors de l'attaque japonaise du 9 mars 1945, il décida de prendre la brousse avec un adjudant-chef laotien et une section de gardes pour rejoindre les Forces alliées à CALCUTTA. Je l'accompagnais. Malheureusement, dénoncés par des vietnamiens pro-vietminh, nous fûmes rapidement encerclés par les Japonais et conduits à la Kampetaï de THAKHEK. Nous y fûmes tous deux interrogés, puis séparés. Mon mari fut mis en cellule et probablement soumis aux tortures et mauvais traitements, dont étaient coutumiers les Japonais. Quant à moi, je fus emmenée au camp de concentration où étaient réunis les femmes et les enfants de THAKHEK .

Depuis ce moment, je n'ai plus revu mon mari. Ce n'est qu'après ma libération, le 10 septembre 1945, que j'ai appris officiellement par la Croix Rouge que René avait été fusillé le 27 mars 1945 au Col de NAPE (Laos).

Voilà ce triste récit que j'ai eu beaucoup de mal à relater, car ce sont des souvenirs atroces ».

René WEIDMANN, mort pour la France, a été cité à l'Ordre de la Nation.

(Témoignage de Mme WEIDMANN (Jacqueline WILKIN), veuve de notre camarade).


Jean CLEMENT (1923-1945)

Elève-officier à l'Ecole Militaire Inter-Armes de TONG, Sous-lieutenant, Promotion St-Cyr 43 « VEILLE AU DRAPEAU »

Reçu au concours de St-Cyr-Indochine de 1943, CLEMENT terminait à TONG son cycle de formation lorsque le 9 mars 1945 éclate le Coup de force japonais. Mis à la disposition du 1 er R.T.T. comme chef de section, il quitte TONG avec son unité et suit le repli de la colonne ALESSANDRI jusqu'aux abords de SON LA. Il se porte alors volontaire pour faire partie du commando BAUDELAIRE chargé de mener la guerilla sur les arrières japonais. Il rejoint le commando le 26 mars à BAN VAN et en suivra jusqu'au bout toutes les opérations, faisant preuve d'un constant mépris du danger et d'un magnifique courage. Il s'illustrera, en particulier, lors du combat de BAN TIOUM le 22 avril 1945. Il trouvera une mort glorieuse lors du repli final vers la Chine dans une embuscade tendue par les Japonais le 15 mai 1945 à THAN SUI LIN.

Chevalier de la Légion d'Honneur ( à titre posthume). Cité à l'Ordre de l'Armée.


Yvon LE MEILLOUR (1923-1946)

Caporal au 9 e Régiment d'Infanterie Coloniale

En service à TONG, le 9 mars 1945, il prend place avec son unité dans la colonne ALESSANDRI qui va se replier jusqu'en Chine.

Plus tard, à TSAO PA, il est affecté au 9 e R.I.C. reconstitué et participera avec son régiment au retour des Troupes Françaises de Chine (T.F.C.) placée sous le commandement du Colonel QUILICHINI.

La compagnie à laquelle Yvon est affecté se met en route l'une des premières, les départs étant échelonnés. Après le passage de la frontière, à SAN SAO, le commandement est informé que la place de PHONG TO a été occupée par des éléments du V.N.Q.D.D. encadrés par des Japonais.

La colonne s'y rend à marche forcée et donne l'assaut le 14 février 1946 à 6h30. La ville est reprise à 11 heures après de violents combats.

Notre camarade Yvon fut grièvement blessé lors de l'approche de la citadelle effectuée par bonds successifs sous la couverture de tous les feux disponibles, l'ennemi disposant de fusils-mitrailleurs et d'une mitrailleuse lourde qui balayait alentour à partir d'une meurtrière du fort.

Dans la nuit, Marcel FOHRER et Jean ERARD purent aller voir Yvon LE MEILLOUR dans la pièce qui tenait lieu d'infirmerie et converser avec lui quelques instants. Yvon mourut quelques heures plus tard.

Le 18 février, il y eut au cimetière de PHONG TO une petite cérémonie : les scouts-routiers dirent un dernier adieu à leur camarade LE MEILLOUR tombé au champ d'honneur. Le Père aumônier des T.F.C. dit quelques mots, puis le sous-lieutenant BARRERE, chef de clan, prononça son éloge funèbre.

C'est avec une certaine émotion que ces souvenirs ont été évoqués alors que les années se sont écoulées depuis le sacrifice de notre ami Yvon LE MEILLOUR, mort en héros comme quelques autres de nos camarades.

(d'après les témoignages de Jacques BOUBAL et de Marcel FOHRER)


Jacques RIEUL (1923-1945)

Soldat de 1 ère classe au 4 e Régiment de Tirailleurs Tonkinois

De NAM DINH, où son unité était en garnison, Jacques RIEUL prit la brousse en compagnie du caporal-chef Antoine FICHET, après l'attaque japonaise du 9 mars 1945.

Cherchant vraisemblablement à rejoindre le Laos, ils se trouvent, au mois de juin, au village de MUONG LAM sur la rive droite du Song Ca à 30 Km en amont du centre de CUA RAO (sur la R.C. 7) où se trouve un camp japonais.

Ils ont parcouru environ 250 Km depuis NAM DINH. A MUONG LAM, ils rencontrent un groupe de 9 tirailleurs du 10 e R.M.I.C. Dénoncés par le chef de village, le groupe des rescapés est surpris dans la nuit du 13 au 14 juillet par les Japonais et leurs auxiliaires. Blessé au ventre, Jacques RIEUL est ramené à CUA RAO en sampan avec trois tirailleurs et le caporal-chef FICHET, ligotés.

Laissé sans soins, Jacques RIEUL décède le 17 juillet. Il est enterré à CUA RAO.

(D'après le rapport de M. GALLOIS, brigadier des Douanes et Régies à CUA RAO).

A partir des notes manuscrites du Commandant LE GUEN - président de l'Amicale des Anciens de Langson – et du livre de G. FLEURY « Mourir à Langson », notre ami J.M. DERRIEN a pu reconstituer les circonstances de la disparition de quatre autres camarades.

Pour compléter ce dossier, il y ajoute un récit condensé de l'épopée du Commando BAUDELAIRE.

« Seigneur, faites que ceux qui connaîtront ces heures
Se souviennent de ceux qui ne reviendront pas ».

(Sylvain ROY, tombé en 1916 à Douaumont)
Cité dans « Mourir à Lang Son » de Georges FLEURY.

 

Robert ACHARD (….-1945)

Sous-Lieutenant au 3 e Régiment de Tirailleurs Tonkinois
Compagnie de Commandement n° 4 – Stationné à Ky Lua

Simultanément avec la citadelle et les différentes positions de LANG-SON, le poste de KY-LUA, point d'appui Nord de la garnison, où notre camarade ACHARD est chef de section, est attaqué par les Japonais le 9 mars 1945 à 21h00.

L'attaque commence par un violent assaut sur le poste de police, qui est repoussé. Un quart d'heure plus tard, la face Est du poste est attaquée et en partie prise par l'adversaire. Mais la riposte est immédiate et si violente que les Japonais n'insistent pas.

Ils reprennent leurs attaques le lendemain matin à plusieurs reprises sans plus de résultat, au prix de pertes importantes pour eux mais aussi hélas pour nos marsouins et tirailleurs, délogés progressivement de leurs points de résistance. Tous se battent comme des lions dans une confusion parfois hallucinante. Dans la nuit du 10 au 11, deux assauts sont encore repoussés.

Au matin du 11, les survivants submergés se sont regroupés dans le fortin avec les familles des cadres et des tirailleurs, qui y avaient été mises en sécurité au début de l'attaque. A 6h00, un officier de la garnison de LANG-SON, déjà fait prisonnier par les Japonais, vient, plénipotentiaire forcé, prendre contact avec le Commandant du poste et lui enjoindre de se rendre sous peine de massacre général. Compte tenu de sa situation indéfendable, ce dernier ne peut que s'incliner la mort dans l'âme. Et à 7h15, les survivants sortent du réduit. Les familles, le médecin et un officier seront regroupés dans les grottes de Ky Lua avec d'autres familles et prisonniers de Lang-Son.

Tous les survivants militaires français, dont notre camarade ACHARD, seront massacrés dans la nuit du 12 au 13 mars dans des conditions non connues.


Roland LABENSKI (….-1945 )

Sous-Lieutenant au 3 e Régiment de Tirailleurs Tonkinois
Compagnie de commandement n°4 – Stationné à KY-LUA

Roland LABENSKI était chef de section à KY-LUA en même temps que notre camarade Marcel ACHARD.

De l'attaque de la garnison le 9 mars à sa reddition le 11 mars, il participera avec son ami à l'héroïque aventure du poste, soutenant assaut sur assaut et finalement submergé par le nombre.

Regroupé avec les survivants, il serait parvenu dans un premier temps à s'évader de la colonne de prisonniers. Mais personne n'a jamais pu savoir jusqu'où il a pu aller et dans quelles conditions il a disparu.


René MALBERT (….-1945 )

Administrateur, adjoint à Monsieur AUPHELLE, Résident de France à LANG-SON

Dès le début de l'attaque, notre camarade René MALBERT et son épouse (Paulette PECH) parviennent à se réfugier dans la citadelle de Lang-Son.

Sergent-chef de réserve, René MALBERT se met immédiatement à la disposition du Commandant de la Citadelle. Du 9 mars 21h au 10 mars dans la soirée, il participera à l'invraisemblable et effarante épopée de la défense de la Citadelle. Marsouins, Bigors, Légionnaires et Tirailleurs tiennent la dragée haute aux Japonais déchaînés et impitoyables. Jusqu'aux derniers combattants, jusqu‘au dernier char ou canon, jusqu'aux dernières cartouches, ils tiennent tête aux assauts renouvelés des Japonais, au prix de lourdes pertes. Submergés, ils tenteront une ultime sortie malheureusement vite annihilée par un adversaire omniprésent. Dans la nuit du 12 au 13 mars, tous les prisonniers européens valides, dont notre camarade MALBERT, seront acheminés par groupes de 10 vers une pagode en construction sur la rive du SONG KY CUNG et y seront froidement exécutés par leurs vainqueurs.


Jacques DECOUVREUR (….-1945)

Aspirant à la 6 e Compagnie du 3 e Régiment de Tirailleurs Tonkinois,
Stationnée au poste de DONG-DANG

Au Fort VAN VOLLENHOVEN de DONG DANG, solide ouvrage fortifié de la R.C. 4, où sert notre camarade DECOUVREUR, un scénario identique se déroule. Le renforcement des Japonais en troupes et en artillerie dans la nuit du 8 au 9 mars n'a pas échappé à la garnison. C'est donc dans une impatience fiévreuse mais attentive que l'attaque japonaise est accueillie le 9 mars à 21h. Elle débute par un violent bombardement d'artillerie et de tirs précis de mitrailleuses sur l'ensemble de la position. La garnison n'est pas prise de court et riposte énergiquement. Vers minuit un groupe de Japonais réussit à pénétrer à l'aide d'échelles dans un des bastions. Une lutte aveugle dure deux heures finissant au corps à corps. Le groupe japonais est finalement anéanti. Le chef de bataillon SOULIE, Commandant du poste, y trouve la mort.

Sous les ordres du Capitaine ANNOSSE, la garnison résiste à toutes les attaques menées dans la journée du 10 et dans la nuit du 10 au 11 mars.

Le 11 au matin , un officier français prisonnier, plénipotentiaire forcé, est dépêché par les Japonais pour enjoindre au commandant du fort de se rendre. Il s'y refuse.

Le 11 dans l'après-midi et dans la nuit du 11 au 12, les attaques se renouvellent et sont repoussées. Le 12, après une nouvelle fausse tentative de négociation, l'attaque du poste est menée systématiquement : les positions et les armes du poste sont détruites une à une, le mur d'enceinte est détruit à l'explosif. Les Japonais se ruent à l'intérieur. Submergé, à bout de munitions, le Capitaine ANNOSSE se résigne au «Cessez-le-feu ».

Les survivants de la garnison sont regroupés dans la cour du Fort . Le Capitaine ANNOSSE, traduit devant un tribunal japonais improvisé, est abattu d'une balle dans la tête devant tout ce qui reste du poste.

Peu après, 10 Européens, le douanier, 39 tirailleurs et 2 concubines désignés par les Japonais, sont dirigés vers la mission japonaise en bordure de la route de Lang-Son. Ils y seront massacrés au sabre et achevés à la baïonnette. Seul l'un d'entre eux échappera miraculeusement à cette tuerie.

Les autres Européens survivants, dont notre camarade Jacques DECOUVREUR provisoirement épargnés, subiront à leur tour un peu plus tard le sort de leurs camarades dans des conditions non connues, mais sûrement égales en sauvagerie.

Restent présents aussi dans notre souvenir : 

Serge BUTREAU, de FAUTEREAU, Jean-Pierre JASMIN ( tué dans une embuscade sur la route, à Saigon), Eugène LITOLFF, Guy MONTLAÜ et Guy TONNAIRE.

 

(1) cf. article de René CHARBONNEAU : « L'apogée et la chute » (1940-1945) in INDOCHINE-Alerte à l'Histoire- ouvrage collectif publié par l'Académie des Sciences d'Outre-Mer – 1985, p.215 « ces combats représentent globalement une grande bataille digne de figurer parmi les plus considérables de la guerre du Pacifique »… « une bataille qui a permis au vaincu d'immobiliser chez le vainqueur quatre divisions à l'heure où celui-ci en avait particulièrement besoin par ailleurs, peut être considérée comme une participation à la victoire finale. »

(2) Extrait de l'article du général LAPIERRE : « L'exemple du général LEMONNIER » in Histoire de l'Indochine-Le destin-1885-1954-Editions SPL- Henri Veyrier – 1983

(3) 1 er trimestre 1985 – 3 ème trimestre 1985 – 3 ème trimestre 1986

 

 

A VOUS QUI REPOSEZ SANS TOMBE

 

Ce n'est pas une gloire que d'être prisonnier
Mais non un déshonneur que de l'avoir été,
Surtout quand, sans espoir, on se bat sans pitié,
Et que jusqu'au dernier on se fait massacrer.

Abandonnés de tous et pour tous bien perdus
Sans cartouche et sans pain nous avons combattu
Et c'est à bout de force et notre cœur meurtri
Qu'au détour du ravin nous fûmes tous pris.

Mais alors, que le monde est devenu ingrat !
Après avoir donné la force de vos bras
Pour défendre à jamais la civilisation,
Pour aucun votre mort n'est plus digne d'attention.

Quand on parle de vous, c'est avec précaution
Comme si l'on avait peur de tant de précisions.
La grande vérité, pas toujours bonne à dire,
Ne devrait pourtant pas être dure à écrire.

Ecoutez donc, vous tous, la parole des martyrs,
Et sachez, aujourd'hui, ce qu'ils ont pour mourir
Sans plainte enduré, sans même défaillir,
Fidèles jusqu'à la fin au serment de servir.

Les entrailles dévorées par la dysenterie
Terrassés par la fièvre, peu à peu affaiblis,
Contre la maladie, ils luttaient toujours seuls
La paille servait de drap et aussi de linceul.

Seuls, ils luttaient jusqu'aux derniers instants,
Assistés de personne, pas même d'une maman,
Et, à l'aube d'un matin, nos doigts fermaient leurs yeux,
Et la prière des morts les emmenait aux cieux.

D'oublier, aujourd'hui, l'héroïque sacrifice,
Nous n'avons pas le droit de faire cette injustice :
Nous n'avons pas le droit maintenant enfin libres,
Car Dieu voudrait pour nous un châtiment terrible.

« Et vous qui passerez un jour vers l'inconnu,
Ne marchez pas si vite, mettez vos têtes nues. »
« En pensant à celui qui dort ici dans l'ombre
Sachez que loin là-bas, beaucoup n'ont pas de tombe ! »

 

Citadelles et Maquis d'Indochine 1939-1945

CMI 39-45 – Le 9 Mars 2002, lors de la cérémonie à la plaque commémorative des Tuileries, lecture a été faite par le petit-fils d'Antoine ISAFARE-ITONGUINE, combattant tué à THU DAU MOT en 1945, de ce poème de

Marc BERMOZ, acteur lui-même pris au piège de l'Histoire .

 

Retour