Nous avons le plaisir de vous présenter une sélection de "Collages" de Françoise Autret. Nos amis alasiens ont pu en avoir déjà un aperçu avec la Une de couverture du "Mémoire du Lycée Albert Sarraut", celle du N° 184 du bulletin de l'Alas et la photo du mois de l'Alasweb représentant la carte du Vietnam avant 1956, intitulée "Avec un simple grain de riz".
Mais quels sont les origines, les techniques, l'évolution de ce "nouvel" art à la mode ? Nous remercions Françoise d'avoir bien voulu répondre à nos questions.
Hung Nguyen-Tu
Exposant un peu partout en France, puis ailleurs (Allemagne, Bulgarie, Chine, Espagne, Etats-Unis, Italie, Japon, Russie), je constate l'intérêt croissant, pour le Collage, des galeristes, des musées (près de deux cents en France), des organisateurs de Salons, d'Expositions, de Festivals. Même "Art en Capital" - l'énorme Salon qui réunit chaque année sous la verrière du Grand Palais de Paris les 5 Salons historiques français qui ont de 50 à 150 ans d'âge (Indépendants, Artistes Français, Comparaisons et les deux avec lesquels j'expose : le Salon du Dessin et de la Peinture à l'Eau et la Société Nationale des Beaux Arts) tient à ses Collagistes.
Depuis une huitaine d'années, des affiches dans les rues, des publicités (cf pour la Clio de Renault) dans les magazines de premier tirage,le zodiaque du Figaro Madame, des satires politiques, sont des collages, qu'ils soient de papier réel ou de coupé-collé virtuel. Les musées sortent, de l'ombre où ils étaient relégués, des collages de leurs peintres, comme Jean Dominique Ingres (en 2007) ou André Malevitch, sans compter les grands précurseurs dans la remise à l'honneur du collage, Picasso, Braque, Juan Gris, Matisse, ou de gens hors du monde de la peinture comme André Citroën ou Jacques Prévert, prolifiques et bons collagistes devant l'Eternel. De New-York à Tokyo, on commence à exposer les collagistes contemporains, Jacques de la Villeglé (en ce moment à Paris), l'américain Hains, l'italien Matta. Les accumulations de pinceaux de César ou de morceaux de violons d'Arman sont une des formes du Collage. De grands couturiers comme Christian Lacroix ou John Galliano remplacent de plus en plus les photographes et les dessinateurs habituels de leurs défilés par leurs propres collages, séduits par le principe accumulateur ou juxtaposateur d'incompatibles, n'hésitant pas à frôler le surréalisme cher à une branche des collagistes ou tomber dans le kitsch de la mode indienne. Il n'est pas jusqu'au Carnet de voyage cher aux 18 et 19° siècles qui ne revienne sur le devant de la scène grâce au nouveau titre, racoleur parce qu'anglais, de "scrap-booking". Un Collagiste, disciple de Jiri Kolar (dont on peut voir plusieurs collages à Beaubourg) a repris et élargi le groupe Artcolle riche de trois mille Collagistes du monde entier et vient de sortir trois tomes ("Les Collagistes à l'aube du XXI° siècle) sur le Collage, son historique, ses techniques et les motivations de quelques-uns de ses représentants (dont je suis).
Le Collage devient une mode, ce qui est la meilleure publicité pour cette technique - dont les premières traces remontent aux poètes japonais du 12° siècle - trop longtemps considérée comme mineure parce que pratiquée par les enfants (qui garnissaient la vaisselle de leurs découpis), les femmes (qui décoraient ainsi leur journal intime), les amoureux avec leurs cartes de la Saint Valentin, les poètes et tous les faiseurs d'images pieuses, de canivets et d'ex-votos - alors qu'elle est une volupté pour ceux qui la pratiquent. Elle permet une expression plus libre puisque son matériel est original et peu onéreux, plus personnelle puisque très souvent détachée de la figuration depuis les Dadas (Tsara, Max Ernst, Schwitters) et leurs héritiers, plus imaginative parce qu'en recherche, sans écoles officielles ni maîtres dirigistes. Elle répond bien aux besoins actuels puisqu'elle permet de rassembler ce qui ne se rencontre pas (cf dans l'album "Orchidée brune"), de rapprocher les divergents (cf la série "Duos"), d'allier les contraires (cf dans l'album "L'alliance des contraires"), pour un sens nouveau et inattendu. Et puis elle est écologique - maître mot de ce 3° millénaire - puisqu'elle utilise et recycle des matériaux qui ont perdu leur utilité, papiers et magazines entre autres. Elle permet une variété infinie d'expressions - depuis l'album de photographies familiales jusqu'aux tableaux à exposer, en passant par l'exutoire ou, comme Ingres, pour la préparation ou la correction de ses oeuvres. Elle permet l'humour par le téléscopage des images, elle peut avoir un côté rebelle en ce sens que l'académisme de bien des organismes officiels ne l'atteint pas puisqu'on ne l'y enseigne pas. Mais on expose encore trop souvent les collages sous des termes discrets, technique mixte, art déco, parfois on zappe carrément la technique, au mieux on la nomme "papier découpé" pour les Japonais qui la pratiquent toujours avec une minutie époustouflante (cf le Hors-Série de décembre 2008 de la revue d'Art "Univers des Arts").
Mais le Collage, c'est fou, quand vous y mettez-vous ?"
Françoise AUTRET